Par un arrêt de revirement important, la Cour de cassation (Cass. com., 8 février 2011) vient de limiter les cas dans lesquels l’action en nullité d’une convention réglementée non autorisée par le conseil d’administration est recevable plus de trois ans après sa conclusion, en jugeant qu’en cas de dissimulation volontaire, l’action en nullité peut être intentée pendant un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu révélation de la convention.

Rappelons, en effet, qu’en application des dispositions de l’article L. 225-42 du Code de commerce, l’action en nullité d’une convention réglementée conclue sans autorisation préalable du conseil d’administration se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention. Toutefois, si la convention a été dissimulée, le point de départ du délai de la prescription est reporté au jour où elle a été révélée.

Depuis un arrêt de principe du 24 février 1976 (Cass. com, 24 février 1976), la Cour de cassation considérait qu’en l’absence d’autorisation préalable de la convention par le conseil d’administration, seule l’assemblée générale des actionnaires pouvait couvrir la nullité qui en résultait et qu’en conséquence, c’était à la date de la révélation de la convention à ladite assemblée générale que commençait à courir le délai de prescription. Peu importait donc que le ou les administrateurs aient eu connaissance de la convention avant la date de cette assemblée générale.

Or, la Cour de cassation opère aujourd’hui un revirement complet de la solution inaugurée en 1976, en considérant désormais que la révélation de la convention s’apprécie à l’égard de la personne qui exerce l’action. Selon Alain Lienhard, il s’agit donc à présent de procéder à une appréciation in concreto, en quelque sorte subjective, puisque la révélation est susceptible de ne concerner que tel ou tel titulaire de l’action en nullité, à l’exception des autres, sachant que cette action peut être exercée aussi bien par la société elle-même que par un ou des actionnaires agissant à titre individuel.
La Cour de cassation explique ce revirement par « l’exigence de sécurité juridique au regard de l’évolution du droit des sociétés », formule quelque peu ambigüe, mais que la doctrine interprète comme le prolongement de l’esprit de la réforme de la prescription civile du 17 juin 2008, qui fait désormais courir la prescription du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action.

Remarquons également que la Cour de cassation insiste sur le fait que le point de départ de la prescription ne peut être retardé au jour de la révélation de la convention qu’en cas de « volonté de dissimulation » ; ce qui implique un comportement intentionnel de la part du cocontractant. La dissimulation ne peut donc pas se déduire du seul défaut d’information du conseil d’administration et un dirigeant simplement imprudent ne sera pas nécessairement considéré comme un dirigeant de mauvaise foi.

Pour mémoire, sont qualifiées de conventions réglementées les conventions conclues, directement ou par personne(s) interposée(s), entre la société :

– et l’un de ses dirigeants (gérant de SARL, directeur général, directeur général délégué, administrateur, membre du directoire ou membre du conseil de surveillance de SA, gérant ou membre du conseil de surveillance de SCA, président ou tout autre dirigeant de SAS ou toute personne assurant un rôle de mandataire social d’une association ou de toute autre personne morale de droit privé non commerçante ayant une activité économique) ;

– ou l’un de ses associés/actionnaires (uniquement lorsque ce dernier détient plus de 10% des droits de vote lorsque la Société est une SA ou une SAS) ;

– ou, dans les SA, les SCA et les SAS, une société contrôlant une société actionnaire/associée.

Dans les SA et les SCA, sont également qualifiées de conventions règlementées les conventions auxquelles une des personnes visées ci-dessus est indirectement intéressée.

Dans les SARL, les SA et les SCA, sont également qualifiées de conventions règlementées les conventions conclues entre la Société et toute entreprise ayant un ou plusieurs dirigeants communs avec la Société ou dont un associé indéfiniment responsable est également dirigeant (ou associé lorsque la Société est une SARL) de cette dernière.

Les conventions règlementées doivent être approuvées par la collectivité des associés/actionnaires, sur rapport du Commissaire aux comptes, s’il en existe un, ou des dirigeants.

En outre, dans les SA et les SCA, la conclusion de ces conventions doit être autorisée préalablement par le conseil d’administration ou de surveillance.

Dans les EURL n’ayant pas de commissaires aux comptes, lorsque le gérant est un tiers, les conventions conclues entre la société et ce dernier sont également soumises à l’autorisation préalable de l’associé unique.

Dans les EURL et les SASU, une procédure simplifiée de mention sur le registre des décisions est prévue par la loi pour certains types de conventions.

Seules les conventions réglementées conclues par les SA et les SCA sans autorisation préalable du conseil d’administration ou du conseil de surveillance (que celui-ci n’ait pas été consulté ou qu’il ait refusé de donner son autorisation) encourent la nullité, si et seulement si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société.

Dans les autres types de structures, ainsi que dans les SA et les SCA lorsque tout autre partie de la procédure n’a pas été respectée (défaut d’avis au Commissaire aux comptes, défaut de rapport de ce dernier, défaut d’approbation par la collectivité des associés), seule une action en responsabilité peut être intentée contre le cocontractant, en cas de conséquences dommageables pour la société.