L’arrêt rapporté définit de manière nouvelle les relations qui existent entre la police générale et la police spéciale des installations classées. En l’espèce, le juge des référés avait considéré que le préfet ne pouvait, en se fondant sur les dispositions de l’article L.541-3 du code de l’environnement, c’est à dire sur des dispositions applicables en matière de déchets, ordonner à un exploitant d’une installation classée l’élimination de pneumatiques usagés.

L’article L.541-3 du code de l’Environnement, prévoit qu’ "en cas de pollution des sols, de risque de pollution des sols, ou au cas où des déchets sont abandonnés déposés ou traités contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l’autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d’office l’exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable". Ainsi, le maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police générale issus de l’article L.2212-2 du CGCT, est compétent pour prendre les mesures nécessaires pour assurer l’élimination des déchets présentant du fait de leur abandon, dépôt ou traitement, des dangers.

Ces dispositions ne doivent pas être confondues avec les dispositions de l’article L.514-1 et suivants du code de l’environnement qui confèrent au préfet, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale issus de la réglementation sur les installations classées, le pouvoir de mettre en demeure un exploitant de satisfaire aux prescriptions légales et réglementaires ainsi qu’aux conditions fixées par l’arrêté préfectoral d’autorisation. A défaut d’y satisfaire, l’exploitant peut se voir imposer une consignation, l’exécution d’office à ses frais ou la suspension de son autorisation d’exploiter.

Cette dualité de compétence a parfois été source de difficultés, que la jurisprudence a tenté d’éclaircir.
Ainsi, les juridictions administratives ont jugé que les pouvoirs conférés au préfet, issus de la réglementation de la police spéciale des installations classées, relevaient exclusivement de sa compétence. En revanche, le maire a également compétence, dès lors qu’il agit dans le cadre de son pouvoir de police générale, pour imposer à un exploitant d’une installation classée les mesures prévues à l’article L.541-3 du code de l’Environnement (CE, 18 nov. 1998, Jaeger).

Inversement, il avait été jugé que dès lors que les dispositions de l’article L.541-3 du code de l’environnement ont créé un régime juridique distinct de celui des installations classées, n’ayant pas le même champ d’application et ne donnant pas compétence aux mêmes autorités, ces dispositions ne peuvent constituer la base légale par laquelle le préfet procède à une mise en demeure d’avoir à remettre un site en état (CE, 17 nov. 2004, Société Générale d’Archives)

L’arrêt rapporté opère, semble-t-il, un revirement de jurisprudence. Le Conseil d’État juge en effet que les dispositions de l’article L.541-3 du code de l’environnement qui confère au maire la compétence de prendre les mesures nécessaires pour assurer l’élimination des déchets dont l’abandon, le dépôt ou le traitement présentent un danger, ne "font toutefois pas obstacle à ce que le préfet, d’une part, en cas de carence de l’autorité municipale dans l’exercice des pouvoirs de police qui lui sont conférés au titre de la police des déchets, prenne sur le fondement de celle-ci, à l’égard du producteur ou du détenteur des déchets, les mesures propres à prévenir toute atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement, d’autre part, lorsque les déchets sont issus de l’activité d’une installation classée pour la protection de l’environnement, exerce à l’encontre de l’exploitant ou du détenteur de celle-ci, pour assurer le respect de l’obligation de remise en état prévue par l’article 34-1 précité du décret du 21 septembre 1977, les compétences qu’il tire de l’article L.514-1 du code de l’environnement".

Ainsi, alors que d’une manière générale, l’existence d’une police spéciale des installations classées fait obstacle à la mise en œuvre des pouvoirs de police générale détenus par l’autorité municipale, tel n’est pas le cas quand le préfet utilise des pouvoirs qu’il tire de l’article L.541-3.

Cependant, le Conseil d’État impose des conditions à l’utilisation des pouvoirs de police générale par le préfet. Ainsi, reprenant une jurisprudence constante en matière de police générale (C.E., 27 nov. 1974, Min. de l’intérieur, n° 93691; T.A. Montpellier, 14 juin 2002, Mme Mages, n° 963342), il rappelle qu’il est nécessaire qu’il y ait une carence de l’autorité municipale. Au cas présent, le recours du ministre contre l’ordonnance du juge des référés est rejeté pour défaut de carence.