Cass. Com. 22 mars 2016, FS-P+B, n° 14-20.216

Dans l’arrêt du 22 mars 2016 rendu par la chambre commerciale, un établissement de crédit consent quatre contrats de crédit-bail à une SARL.  Cette dernière faisant l’objet d’une procédure collective, le prêteur décide alors d’assigner en paiement les cautions solidaires, cogérants et associés de la société. En dépit de son engagement, l’une d’elles se défend de tout paiement invoquant à titre reconventionnel la responsabilité de l’établissement de crédit pour manquement à son devoir de mise en garde.

La Cour d’appel de Reims  rejette dans un premier temps les demandes de la caution et la condamne solidairement au paiement des sommes restant dues en vertu des contrats de crédit-bail.

Selon les juges du fond, la caution étant à la fois cogérant et associé de la société, elle ne peut être considérée comme étant une caution profane. Dès lors, au regard des informations dont elle disposait – état des comptes de l’entreprises, de ses charges et de ses propres engagements financiers, elle ne pouvait valablement alléguer son ignorance quant à la portée de ses engagements… d’autant que les cautionnements avaient été à plusieurs reprises réitérés.

Au visa des articles 1147 et 1315 du code civil, la Cour casse partiellement l’arrêt de la cour d’appel. En effet, les magistrats considèrent d’abord que les motifs retenus par les juges du fond sont « impropres » à établir que la caution était avertie. Cette caractérisation ne pouvant être déduite  de sa simple fonction de dirigeant et associé (Cass. Com., 9 juill. 2013, n° 12-20.387).

Ensuite, les juges énoncent clairement que c’est à l’établissement de crédit qu’il revient de démontrer qu’il a dûment exécuté son obligation de mise en garde en présence d’une caution profane (Com. 11 avril 2012, n° 10-25.904) et non au dirigeant tel que l’avait indiqué la cour d’appel inversant à tort la charge de la preuve.

Alors qu’il est souvent admis qu’au regard des informations dont il dispose, le dirigeant doit être considéré comme étant « averti » (Cass. Com., 27 mars 2007, n°06-13.052),  cette solution ne va pas de soi et résulte d’une analyse menée par les juges du fond (Cass. Com., 27 nov. 2012, n° 11-25.967). C’est au vu des connaissances, des compétences, des expériences passées, de son aptitude à évaluer la portée et les risques potentiels de ses engagements ou encore  de son degré d’implication dans la société qu’il appartient aux juges de motiver leur décision quant à la qualité de caution avertie ou profane du dirigeant.

Une telle distinction n’est pas qu’une simple question de terminologie. Elle emporte des conséquences non négligeables sur la responsabilité de l’établissement bancaire qui risque de voir sa responsabilité engagée s’il ne s’est pas acquitté de son devoir de mise en garde en présence d’une caution profane. Au cas particulier, retenir cette responsabilité a permis   à la caution d’être exemptée partiellement de son obligation de payer.

Cet article a été rédigé par Véronique Collin et Inès Naït Abdelaziz