Le gouvernement britannique a récemment entrepris de nombreuses réformes en droit social applicables en Angleterre et au Pays de Galles. Ces réformes visent à améliorer la compétitivité des entreprises et promouvoir la croissance économique en réduisant les contraintes  des employeurs. Nous vous présentons ici trois de ces réformes: (i) l’instauration d’une obligation de paiement des frais de justice pour introduire une action devant le tribunal chargé des affaires de droit du travail (« Employment Tribunals ») ; (ii) la réforme de la procédure applicable aux licenciements collectifs ; et (iii) l’introduction d’un statut de salarié actionnaire.

i. L’obligation de paiement des frais afin d’introduire une action devant les tribunaux

Le coût de fonctionnement annuel des tribunaux chargés des affaires de droit social (« Employment Tribunals ») s’élève à environ £ 84 000 000 en Angleterre et au Pays de Galles. Dès lors, l’introduction de réformes visant à faire des économies n’est en rien surprenante.

Le gouvernement a notamment introduit un nouveau barème des droits, lequel entrera en vigueur le 29 juillet 2013. À partir de cette date, toute personne qui souhaitera engager des poursuites devant ce tribunal devra s’acquitter de deux paiements au total : un premier lors du dépôt de la demande au tribunal pour enclencher la procédure, et un second afin de saisir un juge pour trancher le litige.

Il y aura en outre deux niveaux de demandes :

  • Niveau 1 : pour toutes demandes « simples », telles que par exemple la rupture de contrat ou la modification interdite de la rémunération ; et
  • Niveau 2 : pour tous les autres types de demandes. 

Le montant de ces droits s’établi comme suit :

  Niveau 1 Niveau 2
Paiement pour l’introduction d’une procédure en déposant une demande au tribunal 160 £ 250 £
Paiement pour saisir le juge 230 £ 950 £
Total 390 £ 1.200 £

   
Cette réforme a été bien accueillie par la plupart des employeurs qui y voient un moyen, contrairement au système actuel, de faire obstacle aux actions abusives ou infondées. Cependant, d’autres estiment que cette mesure pourrait également dissuader l’introduction de demandes parfaitement recevables. Par exemple, un demandeur qui souhaiterait intenter une action pour licenciement abusif devrait verser un montant de £ 1 200 pour le traitement de la procédure. Ce chiffre peut paraître très élevé, voire même disproportionné, sachant que les dommages-intérêts accordés pour les licenciements abusifs en 2011-2012 étaient en moyenne £ 4 560. 

L’introduction simultanée de plusieurs actions ne donnera lieu qu’à un seul versement de droits, pour la demande la plus couteuse. Les frais n’augmenteront pas en fonction du nombre d’actions.

En outre, les demandeurs impécunieux seront exemptés de l’obligation de régler ces frais, ce qui selon certains, risque de priver la mesure de son effet dissuasif. Or, le gouvernement n’a pas le choix à cet égard, puisqu’imposer le paiement de ces frais à ceux qui n’en ont pas les moyens équivaudrait à un déni de justice. 

D’autres aspects de la réforme devraient inciter les employeurs à ne pas se réjouir trop vite. En effet, si le juge tranche le litige en faveur du salarié, l’employeur pourra être condamné à rembourser tous les frais versés par le salarié en sus des dommages et intérêts accordés. De plus, si le juge retient contre l’employeur des circonstances aggravantes, il peut imposer une amende d’un montant égal à 50% des dommages et intérêts (dans la limite maximum de £ 5 000 et minimum de £ 100). Selon le gouvernement, cette nouvelle sanction, qui entrera en vigueur à partir du printemps 2014, a pour objet de promouvoir le bon traitement des salariés. En revanche, le fait que cette amende soit payée au gouvernement peut être interprété comme un simple moyen de faire rentrer de l’argent…

Enfin, certains s’inquiètent qu’une fois le paiement des droits effectué, les salariés soient plus réticents à conclure des protocoles d’accord transactionnels. En effet, même si les parties étaient amenées à trouver des solutions amiables, il est fort probable que les salariés tentent d’obtenir auprès de l’employeur le remboursement des droits payés pour l’introduction de l’action. 

ii. Réforme de la procédure applicable aux licenciements collectifs

Depuis le 6 avril 2013, la procédure qui s’applique aux licenciements collectifs a changé. Les réformes ont été introduites par le «Trade Union and Labour Relations (Consolidation) Act 1992 (Amendment) Order 2013».

Aux termes de cette loi, en cas de licenciement d’au moins 20 salariés sur une période de 90 jours, les employeurs sont tenus de suivre une procédure de consultation des organisations syndicales ou des représentants du personnel. Auparavant, en cas de licenciement d’au moins 100 salariés, les employeurs devaient commencer la procédure de consultation au moins 90 jours avant le premier licenciement. Si les employeurs licenciaient entre 20 et 90 salariés, ils devaient commencer la procédure de consultation au moins 30 jours avant le premier licenciement.

Le gouvernement a décidé de réduire le délai qui s’applique pour plus de 100 licenciements, de 90 jours à 45 jours. Les employeurs avaient espéré que ce délai soit réduit à 30 jours, mais le gouvernement a justifié sa décision par l’importance de la procédure de consultation. Le délai de notification au secrétaire d’État a également été réduit de 90 jours à 45 jours (pour les procédures de plus de 100 licenciements).
Le délai de 30 jours, qui s’applique entre 20 et 90 licenciements, reste inchangé.

En outre, l’obligation de procéder à des consultations ne s’applique plus aux contrats à durée déterminée (CDD) dès lors que la date de cessation du contrat est atteinte. Ce changement concerne uniquement les CDD qui arrivent bientôt à leur terme. En effet, les employeurs restent tenus de respecter la procédure de consultation pour les CDD auxquels ils ne mettront pas fin en même temps que les licenciements.

Ces réformes permettent aux employeurs de répondre plus rapidement aux difficultés économiques puisqu’ils peuvent effectuer un grand nombre de licenciements dans un délai beaucoup plus court.

iii. L’introduction du statut de salarié actionnaire

Une nouvelle loi sur la croissance et l’infrastructure (« the Growth and Infrastructure Act 2013») instaure un nouveau statut de salarié : « le salarié actionnaire ». A partir de septembre 2013, il sera possible de conclure des contrats de travail aux termes desquels les salariés pourront détenir des actions de l’entreprise dès lors qu’ils renoncent à certains de leurs droits sociaux fondamentaux, à savoir au droit de:

  • réclamer une indemnité de licenciement ;
  • intenter une action en justice pour licenciement abusif (à l’exception des licenciements discriminatoires ou considérés comme automatiquement abusifs) ;
  • demander des congés de formation ; et
  • demander les horaires de travail flexibles.

Chaque salarié actionnaire se verra octroyer des actions d’une valeur minimale de £ 2.000. Les employeurs pourront offrir aux salariés actuels le choix de conclure ou non ces nouveaux contrats de travail, mais ne pourront pas les y contraindre. En revanche, ils pourront recruter leurs nouveaux salariés sur la base d’un contrat de salarié-actionnaire.

Ce nouveau statut a pour objectif d’apporter plus de souplesse aux entreprises, notamment à celles qui se développent rapidement, et de limiter les contraintes qui sont normalement imposées par le droit social.

Cependant, la proposition initiale annoncée pour la première fois par le Chancelier de l’échiquier britannique George Osborne en octobre 2012, n’avait pas suscité l’enthousiasme tant des salariés que des employeurs. Le projet de loi a d’ailleurs été rejeté deux fois par la Chambre des Lords avant d’être finalement adopté le 24 avril 2013 après de nombreuses concessions du gouvernement.

Certains estiment que le statut de salarié-actionnaire ne présente pas beaucoup d’avantages pour les salariés. Par exemple, les actions reçues seront soumises à l’impôt sur le revenu. A titre de concession, le gouvernement a finalement décidé que les actions d’une valeur maximum de £ 2.000 seraient exonérées d’impôts. Les employeurs doutent de pouvoir convaincre les salariés de l’atout de l’adoption de ce nouveau statut.

Par ailleurs, la plupart des grandes entreprises sont réticentes à priver leurs salariés de leurs droits sociaux fondamentaux, ne serait-ce que pour une question d’image, leur réputation pouvant en être ternie. Les petites entreprises préféreraient se passer des coûts et des charges administratives liés à ce nouveau statut qui peuvent être conséquents. Par exemple, les employeurs devront procéder à la valorisation des parts, fournir aux salariés actionnaires une déclaration écrite décrivant explicitement les droits auxquels ils renoncent, et payer les frais de conseils juridiques indépendants, obligatoires pour les salariés actionnaires avant de conclure ce type de contrat de travail.

Tout bien considéré, il semble que cette mesure apporte plus d’inconvénients que d’avantage !