La Cour administrative d’appel de Paris avait décidé, en 2006, par une motivation de principe rompant avec l’ancienne jurisprudence, que :

«lorsque l’application des stipulations d’un contrat administratif prévoyant des pénalités de retard fait apparaître un montant des pénalités manifestement excessif ou dérisoire, le juge du contrat, saisi de conclusions en ce sens, peut modérer ou augmenter les pénalités qui avaient été convenues entre les parties» (CAA Paris, 23 juin 2006, « SARL Serbois », req. n° 02PA03759, concl. Pascal Trouilly).

La reconnaissance d’un tel pouvoir du juge du contrat administratif en vue de la modulation des pénalités contractuelles de retard avait été, également, admise par la cour administrative d’appel de Lyon dans un arrêt du 27 décembre 2007 (CAA Lyon, 27 décembre 2007, « Société nouvelle des établissements J. Verger et Delporte », req. n° 03LY01236, ) :

«Considérant que lorsque l’application des stipulations d’un contrat administratif prévoyant des pénalités de retard fait apparaître un montant de pénalités manifestement excessif eu égard aux troubles susceptibles d’avoir été occasionnés au maître de l’ouvrage par l’inexécution tardive des prestations en cause, le juge du contrat, saisi de conclusions en ce sens, peut modérer ces pénalités».

La fixation par le Conseil d’Etat de la ligne jurisprudentielle à retenir était très attendue.

L’enjeu était d’importance afin de savoir si le juge administratif finirait ou non par se ranger à la règle « civiliste » déterminée par l’article 1152 du code civil ? (« Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite »).

A l’occasion du recours en cassation de l’affaire «SARL Serbois», numéro 296930 («OPHLM de Puteaux»), qui a été évoqué le 3 décembre dernier, le commissaire du gouvernement , Bertrand Dacosta, avait conclu pour la mise en œuvre du principe posé par le Code civil, non sans rappeler l’importance de l’effet incitatif des pénalités sur le titulaire.

Dans cette dynamique, la réponse aux interrogations posées est intervenue le 29 décembre 2008, et cette réponse qui était attendue est positive.

En effet, par son arrêt n° 296930, le Conseil d’état (7ème et 2ème sous-sections réunies) a confirmé que le juge administratif pouvait réduire le montant des pénalités de retard appliquées, dans le cadre d’un marché public, à un entrepreneur [de menuiseries extérieures] dès lors que celles-ci présentait un caractère manifestement excessif :

« Considérant par ailleurs qu’il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d’augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s’inspire l’article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché ; qu’après avoir estimé que le montant des pénalités de retard appliquées par l’office, lesquelles s’élevaient à 147 637 euros, soit 56,2 % du montant global du marché, était manifestement excessif, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en retenant une méthode de calcul fondée sur l’application d’une pénalité unique pour tous les ordres de service émis à la même date, aboutissant à des pénalités d’un montant de 63 264 euros »

Le Conseil d’Etat confirme, ainsi, la faculté pour le juge administratif d’adopter les principes (notamment de modération) dont s’inspire l’article 1152 du code civil, mais, à la condition,semble-t-il, que celui-ci ait été saisi de conclusions en ce sens.

Par le rappel de cette condition préalable, les principes civilistes, ainsi adoptés, ne semblent, toutefois, pas pouvoir être appliqués « d’office », contrairement aux prévisions du Code civil rappelées ci-dessus.