Cass. com., 7 avril 2009, n° 08-13881

La Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la valeur juridique des déclarations du cédant au sein des conventions de garantie de passif et d’actif.

Les faits de l’arrêt sont les suivants. La société Synergie, détentrice de deux cents parts sociales du capital social de la société Sodivia, a cédé ces dernières à la société ADSO au prix d’un franc symbolique. Le protocole d’accord comportait une convention de garantie avec une stipulation en vertu de laquelle Synergie garantissait l’exactitude de l’ensemble des déclarations contenues dans le protocole d’accord relatives aux éléments de passif et d’actif de la société cédée.

La convention était ainsi libellée :

«Dans le cas où certains éléments des actifs ne se retrouveraient pas effectivement, comme dans le cas où certains éléments inscrits à l’actif du bilan arrêté au 30/09/99 s’avéreraient surestimés ou insuffisamment provisionnés, la société Synergie Bétail et viandes devra reverser à la société, une somme égale à la réduction d’actif constatée.

La société Synergie Bétail et viandes se porte garant des conséquences de la révélation de tout passif non comptabilisé sur le bilan susvisé, et dont l’origine serait antérieure à la date de cession des titres.

Pour la période comprise entre le 1er octobre 1999 et la date de cession des titres, les parties conviennent d’appliquer les mêmes clauses de garantie d’actif et de passif que ci-dessus, et ce au-delà de la somme de 2,5 MF conventionnellement retenue au titre des pertes intercalaires de la période considérée.

En ce qui concerne le passif fiscal, il est précisé que les redressements ouvrant droit à une réduction fiscale ultérieure n’auront pas à être remboursés à la société, dans la limite du redressement principal, si cette réduction fiscale peut intervenir au plus tard à la clôture du troisième exercice suivant l’avis de mise en recouvrement ou l’émission du rôle.

La société Synergie Bétail et viandes sera prévenue par le cessionnaire de tout contrôle fiscal ou social et sera appelée à faire valoir tous arguments pour la défense de la société. Au cas d’instance judiciaire ou administrative, qu’ils décideraient d’entamer d’un commun accord, le garant en supporterait les frais. Le garant s’oblige à procéder au remboursement de ce passif nouveau dès lors qu’il aura été définitivement fixé, et au plus tard dans un délai d’un mois.

Toutefois, de convention expresse entre les parties, la présente garantie de passif ne s’appliquera qu’au-delà d’une franchise fixée forfaitairement à 100 000 francs et pour un montant maximum de 2 500 000 francs.

Le garant sera entièrement dégagé de toute responsabilité pour des faits antérieurs à la date d’arrêté des comptes, faute de demande formulée par lettre recommandée et expédiée au plus tard le 31 décembre 2003 »

Une fois la cession réalisée, ADSO a constaté que la corbeille de la mariée était percée. Sodivia était sur le point de perdre un client important : la société ATAC. A aucun instant, cette information n’avait été divulguée par le cédant au cessionnaire.

Cédant et Cessionnaire ont alors entamé les hostilités. La Cour d’Appel les a déboutés de leurs demandes respectives.

Les juges du fond ont rejeté les demandes de la société ADSO en considérant qu’il n’y avait eu ni réticence dolosive, ni mauvaise foi du cédant. La perte probable d’un client important n’avait pas à être mentionnée par le cédant. Le cessionnaire a alors formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation casse l’arrêt pour manque de base légale et sanctionne le cédant qui « avait manqué à son obligation de garantir l’exactitude de ses déclarations faites dans le protocole d’accord, en omettant, au titre d’une conclusion loyale de la cession, d’informer [le cessionnaire] des conséquences probables de la perte du client ATAC » .

Selon l’attendu de principe de la haute juridiction les déclarations faites par le cédant et incluses au sein de la convention de garantie entraînent la mise en œuvre de cette dernière. Les simples informations données par le cédant au cessionnaire ont alors une véritable valeur juridique. Par conséquent, la clause par laquelle le cédant certifie ces informations se transforme alors en véritable garantie.

Ainsi, une nouvelle garantie, la garantie conventionnelle de conformité serait consacrée. Accolée à la convention de garantie de passif et d’actif, cette clause permettrait de sécuriser d’avantage les cessions de titres sociaux mais ferait peser une épée de Damoclès sur le cessionnaire.

Toutefois, la haute juridiction ne prend pas position dans cette affaire puisqu’elle n’indique pas si Synergie a ou non failli à son engagement en n’informant pas le cessionnaire que la cible allait essuyer des pertes probables générées par la disparition d’un client aussi important qu’ATAC. Elle laisse le soin à la Cour d’appel de renvoi de dire si oui ou non il y a bien eu manquement du cédant à respecter la clause de conformité. En cas de réponse affirmative, il lui incombera de décider comment sanctionner ce manquement. L’acquéreur aura-t-il la possibilité de choisir entre la résolution de la cession et / ou une diminution du prix de cession ?

En tout état de cause, cette garantie de conformité prétorienne permettrait à l’acquéreur de se prémunir contre les risques amoindrissant les résultats escomptés lors de la réalisation de la cession et créerait un véritable devoir d’information à la charge du cédant.

L’arrêt de la Cour d’appel de renvoi est attendu, seul ce dernier permettra d’obtenir des réponses afférentes à ces différents points.

A suivre…