Syngué sabour, pierre de patience, « c’est cette pierre que tu poses devant toi… devant laquelle tu te lamentes sur tous tes malheurs, toutes tes souffrances, toutes tes douleurs, toutes tes misères…et la pierre t’écoute, éponge tous tes mots, tes secrets, jusqu’à ce qu’un beau jour elle éclate »

Syngué sabour, c’est aussi pour « la femme » – le narrateur l’appelle ainsi du début à la fin – ce mari dans le coma, avec une balle dans la tête, auquel elle va dévoiler jour après jour sa vie de jeune fille, d’épouse, de mère.

Une langue, la langue française, d’abord simple et précise, répétitive aussi car il y a du rituel dans le quotidien de la femme, sert au début une confession prudente qui se mue bientôt en une révolte qui se déchaîne rageusement dans l’imprécation, le sacrilège et l’obscénité. Si évidemment ces mots libérés portent les drames d’un islam fanatique et combattant, ils disent aussi la condition féminine violemment humiliée dont s’affranchira l’héroïne. Ils évoquent encore les rêves, les mythes, la poésie et les tabous d’une civilisation aux prises avec ses contradictions.

Le plus bouleversant cependant est l’universalité à laquelle atteint cet immense petit livre, qui met sous les yeux du lecteur l’horreur de toutes les guerres, la difficulté d’être des individus et des couples telle qu’elle existe sous toutes les latitudes.

On retrouvera ce même talent éblouissant dans un autre bref ouvrage de l’auteur : Terres et Cendres, le voyage pathétique d’un enfant muet et de son grand-père, porteur d’une immense douleur et messager de l’horreur absolue.

Les mille maisons du rêve et de la terre paraît s’égarer un peu du côté du surnaturel et de l’onirique, sans toutefois oublier la terrible réalité de la guerre, non sans une certaine confusion en raison de l’absence de tout fil narratif.

En tout cas, les deux premiers titres, parus en Folio, permettent de découvrir un très grand auteur, réfugié en France depuis 1984, cinéaste par ailleurs.