Ordonnance n°2016-56 du 29 janvier 2016 relative au gage des stocks

Par une ordonnance n°2016-56 du 29 janvier 2016 prise en application de l’article 240 de la loi Macron, le législateur offre le choix aux parties du régime de gage de stock auquel elles souhaitent se soumettre. Elles peuvent désormais opter pour le régime de droit commun ou pour le régime spécial du Code de commerce. Pour que ce choix soit équilibré, l’ordonnance simplifie et rend plus attractif le régime spécial, notamment en permettant aux parties de prévoir un pacte commissoire.

L’ordonnance du 29 janvier 2016 met fin également à un paradoxe, beaucoup décrié par la doctrine, et caractérisé par le fait qu’une plus grande liberté contractuelle ait été accordée au gage de droit commun par rapport au gage de stocks des articles L.527-1 et suivants du Code de commerce qui pourtant concernent, par définition, des professionnels. Autre débat auquel l’ordonnance met fin : celui de l’articulation des deux régimes. La Cour de cassation en 2013 (arrêt du 19 février 2013 n°11-21.763) imposait le gage de stocks spécial dès qu’il était accordé en faveur d’un créancier professionnel du crédit. Cette décision explique en partie la perte d’attractivité du gage de stock spécial en matière de financement.

L’ordonnance revient sur les acquis jurisprudentiels pour insérer plus de liberté contractuelle et d’efficacité dans le régime du gage de stock spécial, tout en préservant les droits des créanciers professionnels.

Possibilité d’un gage de stocks avec dépossession

Avant l’ordonnance, le gage de stock spécial ne pouvait être que sans dépossession. Ce principe pouvait se comprendre aisément au regard du principe de continuité du droit des affaires et du rôle essentiel du stock dans l’activité courante des entreprises, donc des emprunteurs. La continuité des affaires liée à la vente des stocks a un lien direct avec la bonne situation financière de l’emprunteur et par conséquent avec sa capacité de remboursement. Cependant, pour une sécurité optimale des créanciers professionnels il était absurde de leur refuser le bénéfice du droit de rétention réel et de son efficacité et ne leur consentir que le droit de rétention fictif accordé au gagiste sans dépossession. Désormais, l’article L.527-2 du Code de commerce prévoit les deux possibilités.

Enregistrement simplifié (article L.527-4 du Code de commerce).

Lorsque les parties optent pour un gage sans dépossession, il n’est plus impératif que la sûreté soit enregistrée sur un registre dans un délai de 15 jours à compter de la constitution de l’acte, et ce à titre de validité du gage. L’inscription du gage est donc réduite à une fonction de publicité.

Allègement des formalités de constitution

À la lecture de l’article L.527-2 du Code de commerce, nous constatons une réduction des mentions obligatoires, mentions imposées à peine de nullité du gage. Il suffit de désigner précisément les créances garanties et de décrire les biens contenus dans l’assiette du gage. Concernant la description des biens gagés, le texte précise les caractéristiques devant impérativement être renseignées (article L.527-2 2° du Code de commerce). Cette description est d’autant plus importante qu’elle permet de fixer la valeur de l’assiette et donc participe au mécanisme de subrogation réelle de l’article L.527-5 du Code de commerce. In fine, on remarque la disparition de la justification de l’assurance des biens et de la dénomination « acte de gage de stock » en tête du document valant acte de gage.

Introduction du pacte commissoire

Comme précisé plus haut, le pacte commissoire est dorénavant possible en matière de gage de stock spécial. Ce pacte commissoire peut être prévu par les parties dès la signature de l’acte de gage ou a posteriori. Les modalités de réalisation du pacte sont celles prévues par le Code civil pour le gage de droit commun.Cette introduction du pacte commissoire dans le régime du gage de stock spécial lui redonne une certaine attractivité. En effet, hors pacte commissoire la procédure de réalisation d’un gage est lourde, ce qui conduisait les créanciers professionnels à opter pour le gage de droit commun, en particulier dans les montages financiers complexes. Les créanciers redoutaient la mise en œuvre de la sûreté. Avec le pacte commissoire la réalisation du gage s’en trouve considérablement simplifiée. Le gage retrouve alors toute son utilité et toute son efficacité.

Les clauses d’arrosage

L’article L.527-5 du Code de commerce est légèrement remanié par l’ordonnance du 29 janvier 2016. Elle introduit en son alinéa premier le mécanisme dit de la « clause d’arrosage » ayant pour effet de rendre le gage flexible quant à son assiette, en fonction du montant de la créance garantie. Toutefois, l’ordonnance se contente de réaffirmer le principe de subrogation réelle de plein droit entre les biens du stock aliénés et ceux venant les remplacer dans l’assiette du gage.

En effet, l’ordonnance ne se positionne pas clairement sur le type de biens admis en remplacement d’autres biens. Elle ne tranche pas la problématique de la fongibilité des biens. Il faudra continuer à se reporter aux décisions de la Cour de cassation concernant par exemple la fongibilité entre produits finis et produits encore à l’état brut.
Cet article a été co-rédigé par Véronique Collin et Camille Louis-Joseph