CA Lyon, Chambre sociale, 6 novembre 2013, n°11-08.266

En l’espèce, pendant le congé maternité, l’employeur et la salariée avaient échangé à propos des conditions de la rupture conventionnelle du contrat de travail avant de signer une convention de rupture 3 jours après la fin du congé maternité. Une fois l’homologation de la rupture intervenue, entre autres demandes, la salariée a sollicité du juge qu’il constate la nullité de la rupture conventionnelle. Déboutée en première instance, le jugement a été confirmé par la Cour d’appel de Lyon.

Pour qu’il soit fait droit à ses demandes, la salariée se fondait sur les dispositions de l’article L. 1225-4 du Code du travail selon lesquelles l’employeur ne peut pas rompre le contrat de travail pendant le congé maternité (interdiction absolue) et pendant les 4 semaines qui suivent (interdiction relative).

Pour la Cour d’appel, cette interdiction ne vise que la mesure de licenciement. Pour justifier sa décision, la Cour ne vise pas les dispositions [par ailleurs non coercitives] de la Circulaire DRT n°2009-04 du 17 mai 2009 selon lesquelles « dans tous les cas où la rupture du contrat de travail est rigoureusement encadrée durant certaines périodes de suspension du contrat (par exemple durant le congé de maternité (…) la rupture conventionnelle ne peut être signée pendant cette période ». Au contraire, la Cour se base sur les articles du Code du travail relatifs à la rupture conventionnelle qui n’interdisent pas explicitement qu’une telle rupture puisse intervenir pendant la période de protection liée au congé maternité (L. 1237-11 et suivants).
Ainsi, la Cour prend le contrepied d’une décision qu’elle avait elle-même rendue en décembre 2012 (Cour d’appel de Lyon – Chambre sociale C – 14 décembre 2012 – n°12/01916), selon laquelle la rupture conventionnelle « qui s’analyse en une rencontre de volontés entre l’employeur et sa salariée tendant à voir rompre le contrat les liant, impliquant une démarche personnelle active de chacune des parties, ne peut être signée en cours de période de protection liée à la maternité »). Dans cette espèce, la Cour d’appel de Lyon avait fait fi de la volonté des parties et avait décidé qu’elles ne pouvaient pas recourir à une rupture conventionnelle qui contournait le statut protecteur accordé à la femme enceinte.

Dans son arrêt du 6 novembre 2013, la Cour d’appel de Lyon a rappelé les faits qui avaient précédé la signature de la rupture conventionnelle. Elle a mis en avant le fait que des entretiens avaient eu lieu à plusieurs semaines d’intervalle et que la salariée n’avait pas usé de son droit de rétractation, ce qui lui laissait penser que la salariée avait pleinement et librement consenti à la rupture de son contrat de travail. L’apparente absence de vice du consentement, que la Cour déduit des longues périodes de réflexion qui ont été accordées à la salariée, semble avoir présidé à sa décision de considérer que la rupture conventionnelle était donc exempte de nullité.

La solution aurait-elle été différente si la convention de rupture avait été signée pendant le congé maternité ? Rien n’est moins sûr, mais l’attendu de principe n’opère pas de distinction entre la période de protection absolue et la période de protection relative.

Cette décision est contraire… quoi que… à la position adoptée par la Cour d’appel de Rennes (CA de Rennes – Chambre prud’homale – 8 février 2013 – Mme Kristelle H. / sas SANIMA). « Quoi que » parce que si la signature de la rupture conventionnelle avait également eu lieu quelques jours après l’expiration du congé maternité, les parties avaient toutefois clairement exprimé un point de vue divergent concernant leur consentement respectif. Chacune d’elle estimait qu’elle avait dû accepter la rupture conventionnelle « à la demande de l’autre partie ».

Il conviendrait que la Cour de cassation, si elle est saisie, prenne une position « définitive » sur le sujet.

Rejoindra-t-elle la position prise par l’administration ? Adoptera-t-elle une lecture extensive des dispositions de l’article L. 1225-4 du Code du travail en considérant qu’à l’instar des  salariés victimes d’accidents du travail et /ou de maladies professionnelles (L. 1226-9), ces dispositions protectrices ne s’appliquent pas qu’au licenciement stricto sensu ?
Au contraire, rejoindra-t-elle une interprétation plus pragmatique en considérant que, libre de démissionner pendant son congé maternité, pourquoi une salariée ne pourrait-elle pas, pendant cette même période, solliciter une rupture conventionnelle (par ailleurs plus favorable)… voire décider d’accepter une telle rupture ?

En attendant, le principe de précaution contraint l’employeur à éviter de signer, peu important que la salariée en soit indubitablement à l’initiative, une rupture conventionnelle du contrat pendant l’une quelconque des périodes de protection -absolue ou relative- dont bénéficient les femmes avant, pendant et après le congé maternité et d’attendre l’expiration des 4 semaines qui suivent leur retour dans l’entreprise, avant d’envisager une telle rupture.