La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, autrement dénommée Loi Sapin II, a été promulguée le 9 décembre 2016.

Elle signe un changement important du régime des immunités d’exécution et de la procédure entourant les saisies de biens appartenant à des États étrangers. D’aucuns prétendront qu’il s’agit là d’un véritable « cadeau » ainsi fait aux États étrangers par le législateur ; l’analyse de ce texte impose toutefois d’être plus nuancé.

C’est ainsi l’occasion de revenir brièvement sur l’amendement ayant fait couler (au moins un peu) d’encre : l’amendement consistant à imposer une autorisation préalable du juge, lequel devra s’interroger sur le point de savoir si l’une des conditions tirées de l’article 19 de la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 est remplie.

Le projet de Loi Sapin II (commenté dans un précédent article[[1]]url:#_ftn1 ) imposait au créancier d’obtenir une autorisation préalable du juge de l’exécution avant de poursuivre la mesure d’exécution forcée (proposition d’article L. 111-1-3 du Code des procédures civiles d’exécution dans le projet de Loi Sapin II) ; cette même obligation est reprise dans la loi Sapin II (article L. 111-1-1 du Code des procédures civiles d’exécution nouvellement créé).

Cependant, aux termes de l’article L. 111-1-2, alinéa 1er du Code des procédures civiles d’exécution (quasi-exacte reproduction de l’article 19 de la Convention des Nations Unies), l’autorisation ne pourra être délivrée que si l’une des conditions suivantes est remplie :
 « 1° L’État concerné a expressément consenti à l’application d’une telle mesure ; 
2° L’État concerné a réservé ou affecté ce bien à la satisfaction de la demande qui fait l’objet de la procédure ; 
3° Lorsqu’un jugement ou une sentence arbitrale a été rendu contre l’État concerné et que le bien en question est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé par ledit État autrement qu’à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée ». 

Afin, peut-être, de faciliter l’office du juge, une liste des biens « notamment considérés comme spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l’État à des fins de service public non commerciales » est ensuite mentionnée au 2nd alinéa :

« a) Les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique de l’État ou de ses postes consulaires, de ses missions spéciales, de ses missions auprès des organisations internationales, ou de ses délégations dans les organes des organisations internationales ou aux conférences internationales ; 
b) Les biens de caractère militaire ou les biens utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions militaires ; 
c) Les biens faisant partie du patrimoine culturel de l’État ou de ses archives qui ne sont pas mis ou destinés à être mis en vente ; 
d) Les biens faisant partie d’une exposition d’objet d’intérêt scientifique, culturel ou historique qui ne sont pas mis ou destinés à être mis en vente ; 
e) Les créances fiscales ou sociales de l’État ».

Là encore, la loi Sapin II s’est largement inspirée de la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004.

Ainsi, le créancier souhaitant saisir les biens d’un État étranger ne pourra se contenter de solliciter l’autorisation du juge de l’exécution mais devra justifier que l’une des conditions susvisées est remplie. Cela pourrait également impliquer que le juge de l’exécution motive d’une certaine façon ce qui n’est pourtant qu’une autorisation.

Voici selon nous la « mini-révolution » du régime des immunités d’exécution qui s’inspire toutefois de textes existants : la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 mais également l’article L. 153-1 du Code monétaire et financier qui prévoyait déjà une autorisation préalable même si dans un cas particulier.

Si certains voient dans ces nouvelles dispositions une forme d’immunité « totale » des États étrangers qui les « protègeraient » contre les saisies de leurs biens en France, il sera rappelé que d’autres systèmes juridiques ont, bien avant la France, durci leur législation en la matière. Elles permettent donc en réalité une forme d’alignement de la France avec d’autres pays. Sans oublier que ces dispositions permettront également d’éviter les saisies intempestives de fonds vautours contre des biens appartenant à des États souverains.
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[1] « Immunité d’exécution : quand la législation nationale peut venir au soutien du droit international coutumier »