L’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui garantit la liberté de pensée de conscience et de religion fait l’objet d’une double interprétation, positive et négative, par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

La Cour estime d’une part que la liberté de religion comporte un aspect positif, lequel implique comme le prévoit expressément le texte de la convention :

«La liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, les pratiques et l’accomplissement des rites. »

Dans son arrêt rendu le 21 février 2008, la Cour a réaffirmé l’aspect négatif de cette liberté, celui-ci impliquant le droit de ne pas avoir à révéler ses convictions ou son absence de pratique religieuse en condamnant la Grèce pour sa procédure d’accès à notre belle profession d’Avocat.

Comme en France, la prestation de serment professionnel est en Grèce une condition préalable à l’exercice de la profession d’Avocat.

Il convient toutefois de préciser que l’Avocat en Grèce ayant le statut de « fonctionnaire public non rémunéré », sa prestation est prévue par le Code des fonctionnaires lequel prévoyait au a) et c) de son article 19 deux modalités de serment distinctes.

Soit a) l’intéressé prête serment la main sur l’évangile en affirmant :
« je jure d’être fidèle à la patrie, d’obéir à la Constitution et aux lois et de remplir consciencieusement mes devoirs ».

Soit c) pour les intéressés qui déclaraient ne croire à aucune religion ou ceux dont la religion ne permettait pas la prestation de serment, affirme solennellement au lieu de prêter serment :
« Je déclare, invoquant mon honneur et ma conscience d’être fidèle à la patrie, d’obéir à la Constitution et aux lois de remplir consciencieusement mes devoirs »

Dans la présente affaire, le requérant, Monsieur Alexandridis, s’est plaint d’avoir été contraint à l’occasion de sa prestation de serment professionnel de révéler ses convictions religieuses en méconnaissance notamment de l’article 9 de la CEDH.

Après avoir examiné les faits de l’espèce avec minutie, la Cour a d’abord déduit que la procédure avait obligé le requérant, lorsqu’il s’est présenté devant le Tribunal, de révéler en partie ses convictions religieuses, et ce, afin de pouvoir faire une affirmation solennelle.

En outre selon l’interprétation des textes applicables par la Cour, le serment que tout fonctionnaire est invité à prêter est le serment religieux. « L’intéressé pour être autorisé à faire une affirmation solennelle, est contraint de déclarer qu’il est athée ou que sa religion ne permet pas la prestation de serment. »

C’est dans ces conditions que la Cour a réaffirmé l’aspect négatif de la liberté instituée à l’article 9 de la Convention dans les termes suivants :

« les autorités étatiques n’ont pas le droit d’intervenir dans le domaine de conscience de l’individu et de rechercher ses convictions religieuses, ou de l’obliger à manifester ses convictions concernant la divinité. Cela est d’autant plus vrai dans le cas où une personne est obligée d’agir de la sorte dans le but d’exercer certaines fonctions, notamment à l’occasion d’une prestation de serment. »

La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi consacré, selon nous à juste titre, cette conception négative de la liberté de chacun de ne pas divulguer publiquement son appartenance religieuse et pour cause.

Il s’agit du pendant normal de la conception positive de cette liberté de religion qui consiste, elle, à manifester publiquement cette appartenance.

Précisons enfin qu’en France, le jeune impétrant n’est nullement contraint de divulguer son appartenance religieuse, le serment auquel il s’engage en affirmant « je le jure » est en effet respectueux des convictions individuelles :

« Je jure, comme avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. ».