Cass. com. 22 septembre 2015, n° 14-17.377
Cass. com. 15 décembre 2015, n° 14-11.500

Par deux décisions récentes, la Cour de cassation est venue confirmer toute l’importance portée à la confidentialité dans le cadre des procédures de prévention que sont le mandat ad hoc et la conciliation.

Sans confidentialité, la prévention n’est rien, et les juridictions et professionnels que nous sommes le savent bien. Grâce au secret qui entoure les négociations entre le débiteur et ses banques, client ou fournisseurs clefs, il est plus aisé de discuter et d’échanger pour tenter de parvenir à un accord permettant de sauver l’entreprise et ses emplois. La période actuelle étant propice à l’ouverture de ce type de procédure, la Cour de cassation a donc saisi l’opportunité qui lui était offerte pour préciser les contours d’une de leur caractéristiques essentielles.

Dans le premier arrêt de la chambre commerciale, en date du 22 septembre 2015 (n° 14-17377), un dirigeant caution se prévalait, devant la banque qui le poursuivait, d’une attestation donnée par un mandataire ad hoc stigmatisant l’attitude de l’établissement financier qui avait refusé d’accorder un moratoire, ce qui avait conduit à l’ouverture d’une liquidation judiciaire.

La Cour de cassation, par une motivation très claire, a pris soin d’indiquer que (1) « c’est à bon droit que la cour d’appel a écarté des débats l’attestation remise à la caution de la société débitrice par le mandataire ad hoc de celle-ci, dans laquelle, au mépris de l’obligation de confidentialité qui le liait par application de l’article L. 611-15 du code de commerce, il stigmatisait l’attitude de la banque lors des négociations » et (2) de rappeler que « le créancier appelé à négocier dans le cadre d’une procédure de mandat ad hoc n’est pas tenu d’accepter les propositions du mandataire ad hoc ».

Sans qu’il soit nécessaire de revenir sur le fait même pour un mandataire d’avoir accepté de produire une telle attestation (nous ne disposons pas des détails et demeurons donc vigilant sur ce point), il est désormais acté que la  confidentialité des échanges durant cette procédure n’existe pas au seul profit du débiteur (qui aurait pu décider de la lever) mais bien de toutes les parties aux négociations.

Ce faisant, la Cour suprême renforce l’importance de la confidentialité des échanges lors des réunions de mandat ou de conciliation, et partant l’intérêt de cet outil dont l’efficacité n’est plus à démontrer pour régler des situations de crise et permettre une sortie par le haut. Elle précise également que ne commet pas de faute, la partie qui refuse de négocier dans le cadre de ces procédures amiables (le droit des procédures collectives donnant au débiteur d’autres moyens de « contraindre » un cocontractant si nécessaire), le mandataire n’ayant pas de réel pouvoir de coercition.

Le second arrêt de la même chambre, daté du 15 décembre 2015 (n°14-11500), est venu clarifier les limites de la liberté de la presse face au droit des procédures collectives.

Cette affaire opposait un groupe de sociétés et son conciliateur à une société d’information financière qui avait publié des données sur l’évolution des procédures de préventions et des négociations engagées, compromettant la confidentialité consubstantielles à ces procédures.

Dans un attendu rendu aux visas des articles 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article L. 611-15 du code de commerce, la Cour de cassation a indiqué qu’il résulte du premier de ces textes que des restrictions à la liberté d’expression peuvent être prévues par la loi, dans la mesure de ce qui est nécessaire dans une société démocratique, pour protéger les droits d’autrui et empêcher la divulgation d’informations confidentielles ; qu’il en résulte que le caractère confidentiel des procédures de prévention des difficultés des entreprises, imposé par le second de ces textes pour protéger, notamment, les droits et libertés des entreprises recourant à ces procédures, fait obstacle à leur diffusion par voie de presse, à moins qu’elle ne contribue à la nécessité d’informer le public sur une question d’intérêt général.

Dès lors, la Cour érige la confidentialité comme règle fondamentale des procédures amiables, et ne tolère d’exception que dans le cas d’une question d’intérêt général, dont on sait qu’il s’agit de situations très rares en pratique.

Les procédures de prévention sortent renforcées de ces deux affaires, ce qui devrait contribuer à encore accroitre leur intérêt.

Les équipes de Squire Patton Boggs interviennent régulièrement dans le cadre de procédures de prévention pour des débiteurs ou des créanciers et disposent d’une expérience reconnue en matière de négociations complexes.