Ce projet de loi reprendrait, pour l’essentiel, les propositions du  groupe de travail présidé par le Professeur Jegouzo[1] qui a remis un rapport au Garde des Sceaux en septembre 2013.

La réparation des dommages environnementaux est une préoccupation légitime. Mais cela doit-il se faire au détriment de la sécurité juridique et de la « lisibilité du droit » ?

Il existe déjà dans notre droit une loi spécifiquement conçue pour réparer le dommage environnemental (Loi sur la responsabilité environnementale ou « LRE » issue d’une directive européenne éponyme du 21 avril 2004 et retranscrite aux articles L 161-1 et suivants du Code de l’environnement).

Cette loi prévoit que seul le Préfet puisse être demandeur à la réparation, mais elle organise des mécanismes de concertation avec les associations et les collectivités territoriales via leur participation à des comités de pilotage.
La réparation est exclusivement en nature. Une série de mesures est prévue pour permettre une réparation intégrale : la compensation des pertes temporaires (réparation compensatoire), le retour à l’état initial (réparation primaire) et, si cela est impossible, des mesures destinées à rétablir l’équilibre écologique dans un lieu le plus proche possible du lieu du dommage (réparation complémentaire).

La LRE évite donc une dispersion des demandes et permet une réparation effective du dommage environnemental.

À l’inverse, si les propositions du rapport Jegouzo devaient être reprises en l’état, la réparation du préjudice écologique ne se fera pas nécessairement en nature. Le projet laisse en effet ouverte la possibilité d’une réparation monétaire qui n’est pas adaptée à la nature du dommage[2]. Le droit d’action serait très largement ouvert, y compris aux associations non agréées.

Par ailleurs, les propositions du rapport ne prévoient aucune disposition efficace sur l’articulation entre la LRE et le nouveau régime qui serait introduit dans le Code civil.  Cette situation est aggravée par le fait que la définition du préjudice écologique proposée dans le rapport Jegouzo s’éloigne substantiellement de celle de la LRE. Cette différence de terminologie est une source supplémentaire d’insécurité juridique.

Les organismes professionnels qui ont été consultés au sujet des propositions du rapport Jegouzo avaient émis des doutes sur l’utilité d’un nouveau régime et s’inquiétaient du risque de double indemnisation du même dommage.

À l’heure d’une volonté affichée de simplifier le droit, il est paradoxal de créer de nouveaux régimes sans même étudier la possibilité d’améliorer les dispositifs déjà existants ou, à tout le moins, d’éviter le risque de chevauchement de dispositions traitant des mêmes questions.

Espérons que le travail du législateur permette une amélioration de la réforme annoncée.

Contact : valerie.ravit@squirepb.com

 


[1] Professeur de droit public à l’université Panthéon-Sorbonne Paris I
[2] Les composantes de l’environnement n’ayant pas de valeur marchande, une réparation monétaire est en effet peu adaptée. L’objectif de la réparation doit être le rétablissement de l’état de l’environnement antérieurement à la pollution ce qui ne peut se concevoir autrement que par la mise en œuvre d’actions concrètes.