L’initiation au droit de l’arbitrage commercial international au sein de l’université de Queen Mary à Londres [1] en 2013-2014 m’a motivé dans ma décision de me spécialiser dans ce domaine. Dans cette optique, j’ai désormais la chance de pratiquer ce droit quotidiennement dans le cadre de mon stage au département Contentieux et arbitrage international du cabinet Squire Patton Boggs à Paris.

La School of International Arbitration de Queen Mary va fêter ses trente ans en 2015. S’il ne m’est pas possible de juger l’évolution de l’enseignement proposé au cours de ce trentenaire, je peux apporter mon témoignage sur ce qu’elle offre aujourd’hui à un étudiant français n’ayant pas étudié le droit de l’arbitrage auparavant.

Sur la forme, il faut s’attendre à un enseignement « à l’anglaise », c’est-à-dire que l’on ne vient pas en cours pour prendre le plus de notes possible mais pour échanger sur les lectures que l’on nous a donné à faire. Oubliez donc le recopiage de tout ce qui est dit en classe. Oubliez également la transmission du savoir du professeur vers les élèves : 90% des questions sont posées par le professeur. Les élèves sont en permanence sollicités, soit pour donner des réponses précises, juridiques, mais également pour donner leur opinion – qu’elle soit pertinente ou non – leur feeling sur le problème posé, ou encore leur expérience passée. Une grande partie des étudiants du LL.M sont déjà engagés dans la vie professionnelle : certains ont déjà de l’expérience et la diversité des étudiants fait incontestablement partie de l’apprentissage. La dimension internationale du LL.M prend tout son sens lorsque l’on étudie l’arbitrage international. Sur le fond, le cours aborde toutes les problématiques propres à l’arbitrage international (depuis la convention d’arbitrage, la loi applicable, la compétence du tribunal… jusqu’à la sentence et son exequatur). Les étudiants reçoivent deux livrets : l’un avec les règles des institutions arbitrales internationales ; l’autre avec les lois nationales applicables à l’arbitrage international, traduites en anglais. La comparaison de ces règles se fait constamment, sur chaque question, avant de débattre sur la qualité et l’opportunité de chacune. Il était particulièrement intéressant de voir les sensibilités différentes des professeurs : le professeur Lew étant souvent proche des solutions françaises, tranchant avec le professeur Brekoulakis plus proche des solutions anglaises. J’ai en mémoire deux points de vue opposés sur la question de l’effet négatif du principe de compétence-compétence [2].
 
Il est motivant de partir étudier la matière Outre-Manche pour un français : les droits français et anglais de l’arbitrage sont deux droits reconnus, et pourtant assez différents. Il faut donc confronter leurs solutions pour pouvoir les comprendre, et en tirer le meilleur parti.

Je finirai par mon expérience au sein de l’équipe du Willem C. Vis Moot, une compétition internationale d’arbitrage commercial réunissant les universités du monde entier qui se tient tous les ans à Vienne. Je reconnais ma chance d’avoir été à Queen Mary pour cela aussi. D’une part, leur philosophie pédagogique interdisant à tout élève ayant déjà de l’expérience de « candidater » a certainement joué en ma faveur pour être reçu dans l’équipe. Ensuite, le réseau de l’école nous a permis d’être coachés par deux jeunes avocats du département de Wilmer Hale dirigé par Gary Born ; puis d’aller s’entraîner aux plaidoiries dans les grands cabinets de Londres. Cette expérience unique m’a permis d’avoir un premier aperçu pratique de l’arbitrage couplant parfaitement l’instruction théorique des cours de l’université, et de m’initier au développement d’un réseau.

En conclusion, je voudrais insister sur l’exigence d’autonomie qu’impose le système universitaire anglais. Si l’on s’attend à « recevoir » toutes les informations en cours, la déception sera grande – surtout au vue de l’investissement financier important que représente un LL.M. Il faut donc savoir étudier seul, et venir en cours avec ses interrogations : si elles ne peuvent pas être toutes résolues, les pistes données sont précieuses pour amorcer une réflexion, juridique personnelle.

 


[1] Sous la direction des professeurs Julian D. Lew, Loukas Mistellis et Stravos Brekoulakis.
[2] Le principe de compétence-compétence reconnaît au tribunal arbitral la compétence de décider sur sa propre compétence, mais n’empêche pas les juges nationaux de se reconnaître également compétent. L’effet négatif du principe de compétence-compétence accorde quant à lui l’exclusivité au tribunal arbitral pour décider de sa propre compétence : il interdit aux tribunaux nationaux de se saisir de la question. Voir S. Brekoulakis, « The Negative Effect of Compétence-Compétence: The Verdict has to be Negative », Austrian Arbitration Yearbook (2009), pp. 238-258.