Cass. Soc. 8 février 2017 n°15-22.964

La loi dite « travail » n° 2016-1088 du 8 août 2016 a, entre autres sujets, apporté des changements majeurs au régime de l’inaptitude. Par diverses mesures, elle en a simplifié et unifié les règles.
Le nouveau régime est applicable depuis le 1er janvier 2017 pour les salariés dont la visite médicale s’est tenue à compter du 1er janvier 2017.

En ce qui concerne le reclassement du salarié inapte, la recherche est désormais similaire, peu important que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non (L. 1226-2 et suivants et L. 1226-10 et suivants du Code du travail). Ainsi, lorsqu’ils existent, les délégués du personnel doivent systématiquement être consultés avant la proposition d’un poste de reclassement et l’employeur doit faire connaitre par écrit au salarié concerné les motifs qui s’opposent à son reclassement.

Lorsque l’avis du médecin du travail précise « que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi », l’employeur est désormais dispensé de procéder à la recherche d’un poste de reclassement.

Enfin, et c’est dans ce cadre qu’intervient la décision ici commentée, de la chambre sociale de la Cour de cassation rendue le 8 février 2017, la jurisprudence permet dorénavant à l’employeur de restreindre ses recherches de reclassement en fonction des souhaits du salarié inapte.

A l’instar d’autres arrêts (Cass. soc. 23 novembre 2016, n°14-26.398 : éloignement du domicile – Cass. soc. 23 novembre 2016 n°15-18.092 : absence de réponse aux offres de reclassement de postes situés en France), la Cour de cassation a ainsi admis que lorsque le salarié avait directement ou implicitement refusé d’autres propositions en France, l’employeur pouvait satisfaire à son obligation de reclassement sans pour autant étendre ses recherches à d’autres sociétés du groupe situées à l’étranger.

Dans le cas de l’espèce du 8 février 2017 ici considérée, la Cour de cassation a rappelé que « l’employeur, auquel il appartient de justifier qu’il n’a pu reclasser le salarié déclaré inapte dans un emploi approprié à ses capacités au terme d’une recherche sérieuse, effectuée au sein de l’entreprise et des entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent, en raison des relations entre elles, d’y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peut tenir compte de la position prise par ce salarié ». La Cour de cassation a ensuite constaté que la salariée « avait refusé des propositions de reclassement au regard de sa situation familiale et de l’éloignement géographique des postes proposés par rapport à son domicile ». De cette constatation, la Cour de cassation a déduit que la salariée « n’avait pas eu la volonté d’être reclassée à l’étranger » et que son licenciement n’était donc pas de ce fait dénué de cause réelle et sérieuse.

La jurisprudence permet donc désormais à l’employeur de tenir compte de la volonté du salarié inapte pour adapter sa recherche d’un poste de reclassement.

Cette évolution est d’ailleurs confirmée par le projet d’Ordonnance relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail du 31 août 2017 (art. 7, I).

Ce projet vise en effet à compléter les articles L. 1226-2 al. 1 et L. 1226-10 al.1 du Code du travail pour préciser que la recherche du poste de reclassement au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient sera limitée au « territoire national ». Ainsi, le cas échéant, l’employeur n’aura plus à rechercher le reclassement du salarié inapte à l’étranger. Pour faire écho à une autre jurisprudence constante (Cass. soc. 10 mars 2004 n°03-42.744, Cass. soc. 25 mars 2009, n° 07-43.767, Cass. soc. 22 septembre 2016, n° 15-13.849), le projet d’Ordonnance prévoit également que la recherche de reclassement soit limitée « aux les entreprises du groupe auquel elle appartient et dont l’organisation et l’activité ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ». Ces mesures s’appliqueront, sous réserve de leur adoption définitive, au plus tard au 1er janvier 2018 (art. 43, VIII).

L’évolution jurisprudentielle confirmée par l’arrêt du 8 février 2017 permettra-t-elle à l’employeur, au-delà des dispositions prévues par le projet d’Ordonnance visé ci-dessus qui excluraient la recherche de poste de reclassement à l’étranger, de tenir compte de la volonté du salarié pour limiter sa recherche de reclassement à tout ou partie du territoire national ?

Dans une telle hypothèse, la jurisprudence sera amenée à définir plus précisément les conditions dans lesquelles l’employeur aurait intérêt, le cas échéant, à recueillir (voire solliciter) le souhait du salarié concerné en amont de la procédure, peut-être par la remise d’un formulaire comme cela a pu se faire en matière de recherche d’un poste de reclassement à l’étranger préalablement à un licenciement économique…
Cet article a été écrit par Cristelle Devergies-Bouron