Cass. Civ. 1ère, 13 mars 2013, n° 12-20.573

Dans le cadre d’un arbitrage relatif à des cessions de participations prévues par un contrat d’enseigne entre Carrefour et un de ses détaillants, un tribunal arbitral a rendu le 13 décembre 2010 une sentence défavorable à Carrefour. Le détaillant avait par la suite sollicité une interprétation de ladite sentence au même tribunal arbitral et Carrefour a saisi le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris [1] d’une demande de récusation du président du tribunal arbitral, reprochant à ce dernier un défaut d’impartialité et d’indépendance pour rendre une sentence interprétative conforme. Parallèlement, Carrefour a aussi exercé un recours en annulation à l’encontre de la sentence principale sur les mêmes fondements factuels.

Dans sa demande de récusation, Carrefour reprochait principalement au président du tribunal arbitral son défaut d’impartialité et d’indépendance du fait qu’il aurait été par ailleurs le conseil d’un autre acteur de la grande distribution, directement intéressé au résultat de la sentence. Cette argumentation a été rejetée par ordonnance du 22 juillet 2011.
Carrefour a néanmoins poursuivi son recours en annulation de la sentence arbitrale sur le fondement de l’article 1492 du Code de procédure civile qui prévoit l’ouverture du recours en annulation en cas de tribunal arbitral irrégulièrement constitué. Le recours en annulation a été rejeté pour un motif procédural: l’identité des motifs invoqués. En effet, la Cour de cassation a considéré que l’autorité de la chose jugée de l’ordonnance du juge d’appui qui rejette la demande de révocation d’un arbitre pour défaut d’impartialité et d’indépendance fait obstacle, sauf élément nouveau survenu après l’ordonnance, à une demande d’annulation de la sentence fondée sur les mêmes faits.

Par cet arrêt, la Cour de cassation donne une bonne illustration de l’autorité de chose jugée (res judicata) en matière d’arbitrage. On notera d’une part que la sentence interprétative, rendue en application de l’article 1485 alinéa 2 du Code de procédure civile, se rattache à la sentence principale et n’a pas d’existence autonome, puisqu’elle l’interprète uniquement, toute modification de la sentence principale étant expressément interdite par la jurisprudence. [2] D’autre part, l’ordonnance de non-récusation du juge d’appui est revêtue de l’autorité de chose jugée quant à la question de l’irrégularité de la constitution du tribunal arbitral tranchant la question principale. Puisque la procédure d’interprétation de la sentence arbitrale n’a pas d’autonomie propre et qu’elle est rattachée à la procédure arbitrale principale, la Cour en a déduit à juste titre que les conditions de l’autorité de chose jugée de l’article 1351 du Code civil (identité de parties, cause et objet) sont bien remplies. La Cour de cassation aurait pu en décider autrement si un fait nouveau modifiant la situation et postérieur à l’ordonnance du juge d’appui avait été invoqué.
 

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[1] En tant que juge d’appui.
[2] Cass. Civ.1, 8 juillet 2009, n° 08-17984