Si tout le monde s’accorde à dire que le système actuel de l’aide juridictionnelle a atteint ses limites et que l’accès au droit est un droit fondamental du citoyen, les réformes susceptibles d’être mises en œuvre pour redonner du souffle à un système au bord de l’implosion sont, quant à elles, loin de faire l’unanimité. Face à l’insuffisance et aux limites budgétaires, la question du financement de l’aide juridictionnelle ne cesse d’alimenter le débat.

Confortant la place fondamentale des droits de la défense dans notre système judiciaire, la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la nouvelle garde à vue, a entraîné un bouleversement extrêmement important, résultant notamment de la nécessité de prévoir et de financer la présence accrue de l’avocat lors de la garde à vue. Pour financer cette charge supplémentaire, la loi de finance rectificative de 2011 a introduit dans le Code Général des Impôts l’article 1635 bis Q, mettant en place la contribution pour l’aide juridique sous la forme d’un droit de timbre à 35 euros exigé de tout demandeur pour les instances introduites en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire civile ou même de l’ordre administratif.

L’introduction de cette « contribution » a été vivement critiquée depuis son entrée en vigueur, certains y voyant même la fin du libre accès au droit et à la justice, garant d’une vraie démocratie.

Parmi les solutions proposées par certains, le doublement du budget de la justice par le biais de l’augmentation de la taxation des droits de mutation semble irréaliste, risqué et inadapté.

Si le principe de la gratuité des actes de la justice devant les juridictions civiles et administratives a été posé par la loi du 30 décembre 1977, et s’il est important de garantir l’accès au droit et aux tribunaux aux plus démunis, on ne peut ignorer les restrictions budgétaires en cette période de crise financière aiguë. On ne saurait reprocher au droit de timbre de 35 euros de remettre en cause à lui seul, l’accès effectif à un tribunal, tel que préconisé par la Cour européenne des droits de l’Homme, cette taxe n’ayant d’autre objet que celui de servir l’intérêt général en renforçant et en « protégeant » le budget de l’aide juridictionnelle.

On précisera que les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle sont exonérés du paiement de ce timbre. Les instances pénales ou encore celles relatives au surendettement sont par ailleurs exclues de son champ d’application.

Si la question va se poser pour la tranche de justiciables juste au-dessus du plafond des ressources pour accéder à l’aide juridictionnelle, on peut en revanche se satisfaire de l’encadrement porté autour de ce droit de timbre.

Pour que la solidarité nationale puisse jouer, et si la justice devient la priorité du nouveau quinquennat, il faudra nécessairement accorder à l’institution de l’aide juridique les moyens de financer les objectifs qui lui sont assignés par la loi. Au vu de l’ampleur du problème, il faudra être imaginatif et trouver plusieurs sources de financement.

Si l’on prend de la hauteur s’agissant du coût, de la lenteur et de l’encadrement des tribunaux, il faudra sans doute, à terme, accélérer le développement des modes alternatifs de résolution des conflits, l’introduction de l’action en groupe des français, la création d’un fonds chargé de surveiller la rationalisation et l’utilisation des fonds, le recours à l’assurance de groupe et pourquoi pas le développement du travail pro bono des avocats?