Publication d’une position de l’Autorité des marchés financiers précisant l’interdiction de la communication à caractère promotionnel relative à la fourniture de services d’investissement portant sur certains contrats financiers

Suite à l’adoption le 9 décembre 2016 de la loi n°2016-1691 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi Sapin II), les services de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ont pris en compte les réponses à la consultation publique sur le dispositif d’interdiction des communications à caractère promotionnel sur certains contrats financiers considérés comme risqués. En effet, le dispositif légal d’interdiction de la communication à caractère promotionnel, inséré dans le nouvel article 533-12-7 du code monétaire et financier par l’article 72 de la loi Sapin II, confiait à l’AMF la définition des contrats financiers[1] visés par l’interdiction. L’une des demandes fortes de la Place consistait en la rédaction d’une doctrine venant préciser l’ensemble des notions développées dans ces nouvelles dispositions.

Communiquer sur l’étendue du champ d’application de la loi était nécessaire afin de ne pas discréditer l’ensemble des acteurs et des produits financiers qu’ils proposent. C’est dans cette optique que l’AMF a publié deux documents le 10 janvier 2017 : un « Bilan de la consultation publique de l’AMF clôturée le 30 septembre 2016 relative à l’interdiction de la publicité portant sur certains contrats financiers hautement spéculatifs et risqués » et une position[2] interprétant l’articulation entre les critères légaux du code monétaire et financier et les définitions de contrats financiers donnés par l’AMF dans son Règlement général.

Bilan de la consultation publique de l’AMF

Dans son bilan l’AMF détaille l’ensemble des réponses à la consultation, divisé en trois catégories d’acteurs; les prestataires de services d’investissement, les associations, les particuliers. Si ces derniers semblent avoir été largement influencés par les premiers, et ainsi plutôt réticents au dispositif d’interdiction, les associations de professionnels sont, elles les plus « constructives » dans leurs remarques et proposent ainsi d’améliorer le dispositif et de mieux cibler les contrats financiers visés.

Les services de l’AMF semblent avoir pris en compte ces propositions tout en restant intransigeants sur les types de contrats visés, sans les nommer directement. En effet, contrairement à la première version du texte du règlement général de l’AMF (RGAMF), qui citait expressément les contrats financiers visés (options binaires, CFD ou contrats sur la différence, et contrats portant sur le Forex) le nouvel article 314-31-1 du RGAMF définit les contrats financiers afin d’éviter tout contournement de l’interdiction en se contentant d’une seule dénomination commerciale. Sont donc désormais visés par l’interdiction les contrats suivants :

– « Ils donnent lieu à l’expiration du contrat, selon qu’une condition fixée au contrat se réalise ou non, soit au versement d’un gain prédéterminé, soit à la perte totale ou partielle du montant investi ;

– Ils donnent lieu au versement de l’écart, positif ou négatif, entre le prix d’un actif ou d’un ensemble d’actifs sous-jacents à la conclusion du contrat et son prix à la clôture de la position, et ils contraignent, le cas échéant, le client à payer un montant supérieur au montant investi lors de la conclusion du contrat ;

– Ils ont pour sous-jacent une devise ou un ensemble de devises. »

On remarquera que toute référence explicite à l’effet de levier a disparu du texte du RGAMF. À la lecture du bilan de la consultation cette question était primordiale et la réponse apportée permet de mettre fin à tout débat quant au chiffre à adopter. En effet la quasi-totalité des acteurs professionnels ont manifesté leur mécontentement face à la limitation de l’effet de levier à 1:5 pour les CFD. Les titres financiers, tels que les warrants, turbos et certificats, non visés par l’interdiction, se voient appliquer des effets de levier largement supérieurs et la mesure ne paraissait pas, en ce sens, parfaitement équitable. En cohérence avec le deuxième critère légal (« le risque de perte est supérieur au montant de l’apport financier initial ») le RGAMF énonce désormais que sera interdite la communication à caractère promotionnel sur les CFD (définis dans leur fonctionnement intrinsèque) pour lesquels le client sera contraint « le cas échéant […] à payer un montant supérieur au montant investi lors de la conclusion du contrat ». Peu importe l’effet de levier donc, si le client peut potentiellement subir une perte supérieure à sa marge initiale, ce contrat ne pourra faire l’objet de communication promotionnelle. Des appels de marge ultérieurs, en fonction de l’évolution du sous-jacent, ne pourront être demandés au client et seront pris en charge par le prestataire. Une telle pratique nécessite une structuration de l’instrument financier plus coûteuse, puisque plus protectrice, et le phénomène sous-jacent devrait être que seuls les acteurs capables de structurer ce type d’instruments financiers persisteront sur le marché du CFD.

Position de l’AMF

Le second document publié le 10 janvier dernier est une position interprétant l’articulation entre les critères légaux du code monétaire et financier et les définitions de contrats financiers données par l’article 314-31-1 du RGAMF. La définition des contrats précités permet de supprimer l’alinéa balai initialement proposé qui faisait référence aux contrats « ayant un effet économiquement équivalent », qui était source d’insécurité juridique et unanimement critiqué par la Place.

Sont bien exclus du dispositif d’interdiction les titres financiers. Le texte de l’article L. 533-12-7 du code monétaire et financier était pourtant clair sur la question mais certains acteurs proposant ce type d’instruments avaient exprimé leur crainte, notamment suite à l’imbroglio résultant de la version du projet de loi adoptée en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 29 septembre 2016, dans laquelle les termes de « contrats financiers » avaient été remplacés par ceux d’ « instruments financiers ».

La démarche est la même concernant l’exclusion du dispositif d’interdiction des contrats financiers admis aux négociations sur un marché règlementé ou sur un système multilatéral de négociation. Ceci est clairement énoncé dans la loi, mais est reprécisé dans la position AMF.

L’apport de cette dernière réside dans trois encadrés traduisant la position AMF.

Tout d’abord, la communication institutionnelle (définie comme étant celle « destinée à promouvoir exclusivement l’image d’une entreprise ») n’est pas visée par l’interdiction. Cette solution est heureuse et complémentaire du dernier alinéa de l’article L. 533-12-7 du code monétaire et financier. En effet, selon ce dernier, les informations publiées sur le site internet du prestataire ne sont pas visées par l’interdiction. Le site du prestataire étant défini comme celui « à partir duquel il est procédé à la fourniture de services d’investissement ». À l’exclusion de tout autre site, sont ainsi exclues les pages sur les réseaux sociaux très utilisées en pratique et visitées par un public large et rarement averti. Toute information ne doit pas être « censurée », seule la publicité ciblée et active, voire agressive, est visée par le dispositif. Les prestataires proposant les contrats visés par le RGAMF mais également d’autres instruments ne peuvent se voir interdire toute forme de communication relative à leur site internet.
De la définition de communication à caractère promotionnel doit être exclue la « reverse solicitation » c’est-à-dire la réponse à la demande d’un client relative au service financier proposé par le prestataire. La démarche active du client, de s’informer, nécessite une réponse du prestataire mais il est considéré dans ce cas que ce dernier n’est pas venu cibler son interlocuteur.

Le considérant 85 de MIFID 2[3] précise que « un service peut être considéré comme fourni à l’initiative du client même si celui-ci en fait la demande à la suite d’une quelconque communication contenant une promotion ou une offre portant sur des instruments financiers, faite par tout moyen et qui, de par sa nature même, a un caractère général et s’adresse au public ou à un groupe ou une catégorie plus large de clients ou de clients potentiels ».

Cette disposition ne constitue pas une définition de la reverse solicitation et est applicable à un cadre règlementaire différent (la prestation de services d’investissement par une entreprise de pays tiers) mais si l’on suit ce raisonnement, qui parait parfaitement fondé juridiquement, un prestataire de services d’investissement pourrait communiquer largement, grâce à de la publicité institutionnelle, laquelle revêt « un caractère général et s’adresse au public ou à un groupe ou une catégorie plus large de clients ou de clients potentiels ». Dès lors, alerté par cette communication institutionnelle, un client potentiel pourra demander des informations audit prestataire et ce dernier pourra ainsi communiquer sur les contrats financiers proposés. On devrait donc observer un changement dans la méthode de communication, passant d’une publicité vantant les mérites d’un instrument financier, à celle vantant les mérites d’une marque, plus institutionnelle. L’effet escompté devrait être atteint puisque seuls les clients réellement intéressés par le trading feront la démarche de demander des informations complémentaires au prestataire. On pense notamment aux travailleurs transfrontaliers souhaitant se couvrir d’un risque de change.

Concernant cette espèce particulière de contrats de couverture, les services de l’AMF viennent opportunément préciser qu’ils ne sont pas visés par l’interdiction, alors qu’ils ont pour sous-jacent une devise. Cela est justifié par le fait que les critères légaux précisés par l’AMF ne s’appliquent pas aux contrats financiers de couverture.

Les caractéristiques des communications à caractère promotionnel visées sont définies par le dernier encadré de la position, peut-être le plus important pour les prestataires de services d’investissement et pour leurs intermédiaires en publicité.

Ces communications sont divisées en deux catégories. Tout d’abord celles contenant « au moins un des termes ou expressions suivantes : FOREX, FX, CFD, Options binaires, binaires, etc. ou tout autre terme ou expression ayant ou suggérant une signification similaire ».

On remarquera ainsi que la communication sur les CFD n’est pas interdite pour les contrats proposant une protection intrinsèque du capital investi. Le risque encouru du fait de ces contrats financiers, conformément à l’article L. 533-12 du code monétaire et financier, doit être précisé. Le contenu de l’information doit être exact, clair et non trompeur.

La deuxième catégorie correspond aux communications dont le contenu « valorise un élément particulièrement attrayant pour le client non professionnel (appât du gain, offres commerciales, formations, outils, évènements politico-économiques permettant de « réaliser de bonnes affaires » ou toute forme d’incitation à « trader ») et :

Soit renvoie de manière directe vers une page internet offrant des contrats financiers visés par le dispositif,

Soit oriente vers un formulaire de contrat ou tout autre type d’outil ayant pour objectif de mettre le client en relation avec un prestataire de services d’investissement offrant ce type de contrats. »

Cette dernière catégorie est la plus large et recoupe un ensemble très important de supports de communication. Il faudra ainsi attendre la mise en œuvre opérationnelle du dispositif pour observer quel type de communication est validé, ou non. Semblent tout de même visées les offres « tapageuses » vantant les mérites d’un produit financier sans en évoquer les risques.

Enfin, à la lecture de l’ensemble de la position AMF, on observe que la charge probatoire revient très largement au prestataire de services d’investissement. En effet on peut relever que celui-ci peut, ou doit, prouver que :

– L’information était claire et non trompeuse par rapport aux contrats financiers de couverture ;

– Son offre de contrats financiers visés par le dispositif est marginale et qu’il peut ainsi communiquer à l’aide de supports valorisant un élément attrayant pour le client mais ne contenant pas les expressions visées par le RG (CFD, Binaires, Forex, etc.) ;

– Les clients auxquels il s’est adressé sont bien des clients professionnels ;

– Les documents prouvant que c’est le client qui a sollicité une demande d’informations (dans le cadre de la reverse solicitation) ont été conservés ;

– Le CFD est effectivement structuré de façon à procurer une protection du montant investi intrinsèque au contrat.

Pour conclure, il convient de préciser que cette mesure d’interdiction n’est qu’un préalable à l’entrée en vigueur du dispositif européen MIFID 2, le 3 janvier 2018. Ce dernier permettra aux Etats membres de l’Union ainsi qu’à l’Autorité Européenne des marchés financiers et l’Autorité bancaire européenne d’interdire une pratique ou un instrument financier dans le cadre de la « Product intervention ». Ainsi, selon l’article 42 du règlement n°600/2014 concernant les marchés d’instruments financiers, l’autorité nationale compétente pourra interdire ou restreindre la commercialisation, la vente ou la distribution de certains instruments financiers ou d’un type d’activité ou de pratique financière.
Cet article a été co-rédigé par Véronique Collin et  Awen Carnot


[1] Au sens de l’article L.211-1 III du code monétaire et financier.
[2] « Les positions donnent une interprétation des dispositions législatives et règlementaires et indiquent comment l’AMF les applique à ces cas individuels » Code monétaire et financier, sous article L.621-6, Lexis Nexis, ed. 2017.
[3] Directive 2014/65 UE du 15 mai 2014 sur les marchés d’instruments financiers