Une affaire pendante devant la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) pourrait sanctionner l’application de retenues à la source sur les dividendes versés par une société française à sa mère établie dans un autre Etat de l’Union européenne.

La CJCE a été saisie par le Conseil d’Etat sur question préjudicielle.

Dans ses conclusions, présentées le 27 avril 2006, qui sont en général suivies par la Cour, l’avocat général Monsieur Geelhoed condamne le principe des retenues à la source sur le fondement de leur incompatibilité avec la liberté d’établissement (article 43 du Traité CE).

Selon l’avocat général, "une mesure par laquelle les sociétés mères non-résidentes en France sont frappées d’une retenue à la source sur les dividendes versés par des filiales établies en France, alors que les sociétés mères résidentes en France ne sont pas imposées sur les dividendes versés par des filiales établies en France, est contraire à l’article 43 CE, en tant qu’elle constitue une restriction discriminatoire à la liberté d’établissement."

Ainsi, le principe de retenue à la source sur les dividendes versés à une société mère établie dans un autre Etat membre serait donc contraire à la liberté d’établissement.

Il est intéressant de noter que le fait d’avoir conclu une convention fiscale bilatérale (en l’espèce, la convention entre la France et les Pays-Bas) autorisant une telle retenue à la source n’a qu’une incidence limitée.

En effet, l’avocat général considère que la "France a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 43 CE en ne veillant pas à ce que, par le truchement de la convention de double imposition applicable ou par tout autre moyen, une société mère non française percevant des dividendes de source française bénéficie réellement d’une mesure de prévention de la double imposition économique pratiquée par la France équivalant à celle dont bénéficient les sociétés mères françaises."

L’avocat général accorde donc une dérogation lorsque la retenue à la source française a pu être imputée sur l’impôt étranger (raisonnement identique à celui de l’arrêt Mark et Spencer qui prend en compte la réalité économique du coût de l’impôt).

En conséquence, si la CJCE suit les conclusions de son avocat général, ce pourrait être la fin des retenues à la source sur les dividendes versés par une fille française à sa mère établie dans un autre Etat membre lorsque la retenue à la source ne vaut pas crédit d’impôt.

Il convient de noter que :

  • le bénéfice du régime français des sociétés mères et filiales est moins restrictif que celui de la directive "mère-fille" : détention de 5 % seulement du capital au lieu de 15 % pour la directive à compter de 2007 ;
  • cette décision pourrait être transposable à d’autres retenues à la source.