Cet arrêt de la Cour de cassation comble un vide législatif et tranche ainsi une question qui faisait l’objet d’une controverse doctrinale : la décision de fusion par absorption d’une société par une SAS nécessite-t-elle l’unanimité des associés de la société absorbée ?

La chambre commerciale de la Cour de cassation répond par l’affirmative.

Préalablement à cette décision, la fusion-absorption d’une société anonyme par une société par actions simplifiée nécessitait une simple majorité renforcée des actionnaires de la société absorbée.
Cette exigence d’unanimité prévalait déjà pour les décisions de transformation en SAS (article 227-3 du Code de commerce).

En l’espèce, des dissensions étaient apparues entre les associés d’une SA aboutissant à la révocation d’un associé de tous ses mandats d’administrateur. Un mandataire ad hoc avait même été désigné pour enquêter sur la situation juridique, comptable et financière de la société et celui-ci n’avait pu dresser son rapport. En 2001, la SA a été absorbée par sa filiale (SAS), sans l’assentiment d’un groupe d’actionnaires. La demande d’annulation de l’absorption a été rejetée par le tribunal de commerce de Nanterre en 2003 en estimant d’une part, que l’unanimité n’était pas requise et d’autre part, que l’annulation était irréaliste étant donné que la remise des choses en l’état était désormais impossible.

La cour d’appel de Versailles a validé ce raisonnement en 2005 en refusant d’assimiler la fusion à la transformation et rappelant au passage que la fusion entraînait la dissolution et non la transformation.

Certains auteurs défendaient d’ailleurs que si le législateur avait entendu subordonner l’absorption par une SAS d’une société d’une autre forme à une décision unanime des associés de l’absorbée, il l’aurait prévu expressément.

D’autres considéraient qu’un traitement différent de la fusion-absorption allait autoriser le contournement de la règle de l’unanimité qui prévaut pour la transformation en SAS à travers la création d’une SAS seulement destinée à absorber la société dont le changement de forme sociale est bloquée par une minorité.

La présente décision de la Cour de cassation érige le principe selon lequel la fusion d’une société en SAS vaut transformation selon l’article L.227-3 du code de commerce et nécessite donc l’unanimité des actionnaires. La Cour écarte ainsi le risque de voir la règle de l’unanimité requise pour la transformation en SAS contournée par la voie de l’absorption. Elle augmente la sécurité juridique des associés qui n’auraient disposé autrement que de voies de recours hasardeuses, fondées sur la fraude, l’abus de majorité ou l’interdiction d’augmenter les engagements des associés.

La décision de fusion qui ne serait pas prise à l’unanimité encourrait la nullité. Nous rappelons toutefois que l’action en nullité se prescrit par six mois à compter de la dernière inscription au registre du commerce relative à cette opération.

La Cour de cassation a ici clairement préféré la protection des actionnaires aux impératifs de restructuration des entreprises.