Les avocats sont à la fois admirés pour leur éloquence et critiqués pour leurs effets de manche. Que ce soit devant un tribunal ou en négociation ils doivent convaincre, défendre et impressionner. Ils jonglent avec un jargon parfois hermétique et souvent indigeste qu’ils se doivent de compenser par leur verve ou la clarté de leur propos. Le langage corporel et le code vestimentaire ne sont pas non plus à négliger dans cet exercice.

C’est donc en connaisseurs qu’ils ont pu apprécier, avec d’autres, les magnifiques exercices de styles et joutes verbales de ces dernières semaines… ainsi que les thèmes choisis. En effet quoi de mieux que quelques petites diversions et un zeste de démagogie ?

Une mention spéciale peut être décernée pour l’utilisation de l’« anaphore »[1] (« quand je serai président… ») en apothéose d’un débat intense. Il y a de grandes chances pour que cette figure soit étudiée à l’avenir dans le programme scolaire de français de façon plus approfondie.

Il ne faudrait pas oublier le grand cirque des médias qui nous ont, eux aussi, permis d’apprécier – sans la nommer – une autre figure de style à savoir, la « prétérition »[2] (pour ne citer qu’un exemple parmi tant d’autres, le port d’une petite robe rouge avant l’annonce officielle des résultats).

Les avocats mettent leur rhétorique au service du client. Pour les politiques, les impacts se mesurent à bien plus grande échelle.

Nous sommes tous impatients de voir de quelle façon les promesses et les discours se traduiront dans les faits et quel sera le ton adopté en cette nouvelle ère.

A l’inverse, nous espérons que certaines des menaces proférées de part et d’autre de la frontière (et notamment, celle prévoyant d’ « attaquer » la France sur les marchés financiers) n’étaient que des manœuvres de dissuasion et qu’elles ne vont pas se concrétiser par l’emploi d’armes de répression massive.

Nous attendons aussi de voir quels couples vont se former et sous quel type de régime matrimonial. Mon humoriste préféré me titille avec une touche de Schadenfreude britannique sur la dégradation annoncée – mais pas certaine – des relations franco-germaniques, en demandant « si le couple Merkozy sera remplacé par un autre genre de relation composée des mêmes trois premières lettres, et les deux dernières de Mr Hollande ». Et un rapprochement franco-britannique à la « Came’lande » ce serait quel genre de « trip » ? Il y a aussi ceux avec lesquels il ne fait plus bon d’être trop proches : nos voisins grecs, qui risquent de devoir à nouveau payer leur traversée des eaux noires et glacées du Styx avec la drachme.
A coté de tout cet étalage de notre art de la rhétorique, je m’inquiète d’une question de style plus pernicieuse. Il semblerait que, globalement, la France ait du mal à se « vendre ». Nous avons du savoir faire mais peinerions à le faire savoir. La « French touch » est célébrée au delà du domaine de la musique mais pas par les français eux même (sauf chez Squire Sanders Paris, le 3 mai dernier) et plutôt malgré eux.

On nous accuse d’avoir une attitude arrogante, envieuse, revendicative, et dans les circonstances actuelles, inconsciente. Nous semblons en outre nous complaire à nous déprécier et à critiquer les autres. Des initiatives sont lancées pour nous donner confiance et envie de nous valoriser, pour nous apprendre à communiquer différemment (comme « Osons la France »[3] en mars à Paris ).

Ce siècle est clairement celui de la communication. Si les frontières géographiques peuvent servir à limiter certains flux ou taxer les importations, le monde virtuel, lui, dans nos démocraties, n’est pas étanche. Il n’y a plus de frontière sur internet.

Nous sommes même confrontés à un monde contradictoire où le zapping, le tweet, la consommation fast food de l’information côtoient une formidable capacité de stockage, de recoupement et d’analyse.

Alors qu’il est question de trouver des façons de se protéger du monde extérieur, on peut s’interroger s’il n’est pas au contraire vital de continuer à s’adapter à ce changement phénoménal, à cette ouverture sur le monde et de renouveler notre communication tant au niveau de son contenu que de sa forme.

Apprenons à mettre d’avantage en valeur ce qui fait notre particularité et notre savoir faire, redevenons séduisants. Au-delà de tous ces beaux ou terribles discours, retrouvons le désir et l’ambition.

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[1] Figure de style qui consiste à répéter un même mot ou une expression au début d’un vers, d’une phrase ou d’une proposition, à laquelle Antoine Adeline avait déjà fait référence dans son Marginalia n°12 « L’éloquence »

[2] Figure par laquelle on affirme passer sous silence quelque chose dont on parle néanmoins

[3] Lire Forum Osons la France