Dans une affaire récente, le mandant engagé dans une relation d’environ deux ans avec son agent déplorait un manque d’information sur le choix des modèles, les prévisions de vente et les volumes. Après avoir relancé son agent à plusieurs reprises, le mandant lui a clairement indiqué qu’à défaut de réponse dans le mois, il considérerait le contrat comme résilié.

L’agent a répondu quelques mois plus tard pour reprocher au mandant l’absence de respect d’un préavis suffisant (moins d’un mois) lors de la résiliation du contrat et demandait dès lors à la fois une indemnité pour la rupture du contrat d’agent et une indemnité au titre du préavis.

Le tribunal de commerce avait relevé la mauvaise foi de l’agent et rejeté ses demandes.

La Cour d’appel de Versailles a confirmé cette décision dans un arrêt du 4 novembre 2010.

La Cour d’appel relève que l’agent n’a adressé qu’un courriel à son mandant sur une période de 8 mois et qu’il n’a fourni ni le relevé détaillé des commandes, ni de renseignement sur l’état du marché.

« le caractère successif et renouvelé de ces manquements, ayant donné lieu à de multiples réclamations et une mise en demeure [du mandant] excède les simples griefs. Que si la preuve de la violation par [l’agent] de ses obligations de moyens ne peut résulter de la seule constatation de la baisse du chiffre d’affaire et des points de vente, laquelle se rapporte au résultat et non aux moyens mis en preuve, son rapprochement avec les manquements contractuels réitérés de [l’agent] caractérise une faute grave au sens de l’article L134-13du code de commerce ».

Ainsi la Cour d’appel caractérise la faute grave de l’agent par une conjonction entre la baisse du chiffre d’affaires et le défaut d’information. En revanche, elle fait droit aux demandes de dommages intérêts du mandant.
La faute grave caractérisée excluait que l’agent puisse revendiquer une indemnité de rupture et une indemnité de préavis en application des articles L134-13 et L134-11.
Il convient de souligner qu’à l’inverse dans un arrêt de la même Cour du 3 avr
il 2008, le mandant avait résilié le contrat en l’absence de communication par l’agent, en dépit des demandes répétées du mandant, des prévisions de vente, des rapports sur l’évolution du marché. La Cour d’appel de Versailles n’avait pas retenue la faute grave dans la mesure où l’agent avait continué à prospecter la clientèle. Elle ajoutait que l’agent n’était pas tenu de réaliser un chiffre d’affaires minimum et que l’on ne pouvait dès lors lui reprocher un affaiblissement du chiffre d’affaires.

La jurisprudence est donc très aléatoire et semble reposer sur l’appréciation subjective du juge d’un comportement de mauvaise foi de l’agent ou du mandant.

Un récent arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne risque de bousculer un autre courant de jurisprudence, aggravant l’insécurité juridique en la matière, comme le souligne Monsieur Chevrier dans le Recueil Dalloz. Dans un arrêt du 28 octobre 2010, la CJUE a en effet considéré, à la lumière des termes de la directive du 18 décembre 1986, que la faute de l’agent devait être à l’origine de la résiliation du contrat pour justifier une exonération du mandat de payer l’indemnité de rupture.

C’est ainsi que le législateur français avait également compris la directive puisque l’article L134-13 prévoit que « la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial ».

Cependant un courant de jurisprudence avait pu considérer que l’exonération de paiement de l’indemnité pouvait être justifiée par des fautes de l’agent intervenues entre la rupture et la date de la décision .

Au regard de la récente décision de la CJUE, la jurisprudence devrait revenir à une interprétation plus stricte de la loi.