L’homme sans empreintes[1] est une fiction dont le héros B. Osborn cache en réalité un des écrivains les plus mystérieux que compte la littérature contemporaine : B. Traven, l’auteur notamment de Le Trésor de la Sierra Madre qui déclarait « Un écrivain ne devrait pas avoir d’autre biographie que ses livres ». Bien que sérieusement documenté, le livre d’Eric Faye, né en 1963, n’apporte pas de révélations inédites; il ajoute au contraire sa part de jeu avec l’identité des personnages et cette sorte de mise en abyme rend passionnante comme celle d’un polar l’ « enquête », ou plutôt la quête à laquelle se livre l’auteur.

La recherche de l’identité, et d’abord de la sienne propre, est au cœur de ses ouvrages les plus personnels, loin de celle qu’il égratigne au passage, l’ « identité nationale » sur laquelle quelques politiciens ont cru pouvoir construire leur popularité, en réalité leur populisme. Dans Nous aurons toujours Paris[2] il cherche à se définir par les lieux du monde qui l’attirent et leur étrangeté ne manque pas d’étonner. Ni must du jour, ni prétexte à pseudo-aventures balisées, matière à télévisuels divertissements. Rencontres avec des paysages naturels ou humains, rencontre avec soi-même. Les pas de l’adulte se mettent dans ceux de l’enfant qui découvrait le versant merveilleux de la langue maternelle qui éveilla « [son] goût pour les pays qui préfèrent se faire rares »

Dans les premières pages de Somnambule dans Istanbul [3] , Eric Faye redit que sa vocation de journaliste-écrivain-voyageur – une espèce peut-être un peu trop prolifique aujourd’hui – remonte à sa sensibilité enfantine ouverte au pouvoir des mots et des images ainsi qu’aux connaissances, parfois éphémères, qu’adolescent il faisait au travers de correspondantes éloignées dont un organisme spécialisé délivrait les adresses. Comme dans les précédents, on trouvera dans ce livre, outre l’évocation de pérégrinations diverses, souvent vers cette «  Mitteleuropa » qu’il affectionne, l’écho des lectures de l’auteur : Kadaré ou Kafka, sur lesquels il rédigera des essais.

Nagasaki[4] est une belle histoire, un conte vrai, certes moins personnel, mais d’un charme infini et qui dissimule à peine, en creux, les obsessions de l’écrivain. Difficile de dire ce qui nous touche le plus, de ce qui nous éloigne de notre quotidien et de notre latitude ou de ce qui nous rapproche d’un homme dont on découvre la finesse de perception et la délicatesse d’expression.


[1] Stock 2008    263 pages + J’ai Lu 2011 [2] Stock 2009    188 pages [3] Stock 2013    248 pages [4] Stock 2010   + J’ai lu 2011  94 pages