Sensible aux arguments du ministère des Sports, le gouvernement a tranché en faveur de la LFP sur la question de la durée des droits du contrat de retransmission du Championnat de France de football, dans le cadre de l’appel d’offres lancé le 30 novembre dernier. Le gouvernement a fixé, par décret, cette durée à quatre ans, soit un an de plus qu’aujourd’hui (la même durée que celle des droits sur le championnat de France de rugby). Par contre, le Conseil de la Concurrence ne souhaitait pas une durée étendue à 5 ans, au motif que celle-ci fermerait trop longtemps le marché de la concurrence.

En fixant cette durée à quatre ans, la LFP espère attirer de nouveaux candidats susceptibles de concurrencer « la chaîne du foot », Canal +. La chaîne paie actuellement 600 millions d’euros par an (moyenne sur 3 ans) pour l’exclusivité et le président de la LFP souhaite porter les revenus audiovisuels à 750 millions d’euros et il n’a d’autre choix que de faire venir d’autres groupes pour parvenir à cet objectif. Ceux-ci seront, par conséquent, rassurés par une durée des droits plus longue qui leur permettra de rentabiliser plus facilement leurs investissements. De surcroît, la LFP a décidé de produire elle-même les images de la Ligue 1, ce qui amoindri l’investissement nécessaire pour se lancer dans l’aventure.

La réalisation de cet objectif financier passe également par un éclatement des lots mis en jeu de sorte à favoriser l’avènement de concurrents susceptibles de bousculer Canal +. Le nombre de lots était de 4 en 2004, ils sont 12 pour ce nouvel appel d’offre.
Mieux encore, tout aurait été imbriqué afin d’empêcher la chaîne cryptée de miser uniquement sur les meilleurs lots. Le danger principal pour Canal + provient de l’opérateur téléphonique Orange, qui distribue la télévision via ADSL, même si le mystère persiste quant à ses réelles intentions. Selon les médias sportifs, M6 serait également intéressé par quelques lots dont celui du magazine dominical, chipé par France 2 à TF1 cette année. D’autres, comme la chaîne de la TNT Direct 8, qui s’est lancée dernièrement dans la diffusion de rencontres, ou encore Numéricâble ou Neuf Cegetel, seraient dans les starting-blocks. Reste à savoir si cela suffit à faire monter les enchères jusqu’à 750 millions d’euros, prix espéré – et clamé haut et fort par M. Thiriez.

Les lots proposés par la LFP sont :

  • Lots Premium (x3)

– 38 matches du samedi soir (le grand match se jouera en prime time à 21:00, la journée de championnat se trouvant décalée pour la première fois de son histoire à 19:00).
– Les 10 plus belles affiches de la saison.
– Les 28 autres grands matches du dimanche soir.

  • Lot Multiplex (x1)

– Ensemble des matches de la journée, joués le samedi, à raison de 20 minutes maximum par match pour les 1ère, 20ème, 37 ème et 38 ème journées.

  • Lot Fans (x3)

– «Tous les matches de votre club en Ligue 1», par lots de 6 ou 7 clubs. Le choix des clubs s’effectuera à tour de rôle.

  • Lots Magazines (x4)

– Magazine Ligue 1 (samedi soir et dimanche soir) -> tous les buts de Ligue 1.
– Magazine toutes compétitions (dimanche matin ou après-midi) -> les buts de toutes les compétitions.
– Magazine VOD (vidéo à la demande, à partir du dimanche minuit et pendant toute la semaine). Pour la première fois, la LFP commercialise la VOD.
– Le Mag du lundi pour «refaire les matches».

  • Lot Mobile (x1)

– sur le téléphone mobile en direct et extraits et résumés à la demande

La guerre psychologique qui se mène depuis plusieurs mois entre le diffuseur historique et la LFP risque donc de s’accentuer. En effet, la LFP n’a pas l’intention de brader les droits audiovisuels, estimant que le football est le produit d’appel numéro un de Canal+. En les achetant il y a trois ans, la chaîne a augmenté le nombre de ses abonnés, amorti les coûts et dégagé des bénéfices. Preuves à l’appui, la LFP a déclaré que la chaîne privée avait tout intérêt à mettre le paquet pour conserver les droits :

«Une étude menée par Ipsos et révélée par le journal économique Les Echos dévoile la forte addiction des abonnés de Canal+ à la Ligue 1. Le sondage révèle en effet que 43% des abonnés de la chaîne cryptée qui regardent les matches du championnat mettraient fin à leur abonnement dans l’hypothèse où Canal+ perdrait les droits de diffusion de la Ligue 1. Au total, cela constitue plus d’1,5 million d’abonnés qui rendraient du jour au lendemain leur décodeur ! […] Si un autre diffuseur obtenait les droits du football, 48% des abonnés de Canal+ seraient prêts à souscrire une nouvelle offre, mais, pour la plupart, sans dépenser plus de 20 euros».

Les profits tirés par Canal+ de l’exclusivité des droits sont par conséquent indéniables. De plus, malgré l’intérêt grandissant des français pour d’autres sports, le football reste leur sport favori, avec 17 millions de fans, toujours aussi nombreux devant leur poste de télévision que dans les stades.

Selon Frédéric Thiriez, la qualité du championnat de Ligue 1 n’est également plus à démontrer puisque 35% des joueurs sont internationaux et qu’il est le premier championnat formateur de joueurs nominés pour la distinction de « joueur FIFA de l’année » : c’est le meilleur championnat espoirs au monde, annonce le Président.

Si ce débat a tant fait couler d’encre ces derniers mois, c’est bien parce qu’il en va de la survie du football français. Une baisse sensible du chèque annuel aurait de terribles répercussions sur l’économie des clubs de l’Hexagone. En moyenne, il représente 50% de leur budget ! C’est pourquoi, vu de la LFP, tous les moyens sont bons pour pousser les concurrents à sortir un portefeuille conséquent.

Désormais, Canal + ayant absorbé TPS il y a 2 ans, le diffuseur se retrouve en position de force et n’a pas l’intention de réitérer pareille offre pour le spectacle actuellement proposé. Les dirigeants de la chaîne se plaignent périodiquement de la fuite de stars du championnat français. Il a également déposé un premier recours en référé devant le Conseil d’Etat et un second devant le Tribunal de Grande Instance de Paris afin d’obtenir la suspension de la procédure d’appel d’offres, estimant qu’elle était porteuse « d’insécurité juridique », notamment en raison du passage des droits d’une durée de trois à quatre ans.

De plus, le Conseil de la concurrence doit se prononcer à nouveau sur la question de l’allongement de la durée d’octroi des droits récemment fixée par décret à 4 ans, alors qu’il a déjà attribué un carton jaune, le 25 juillet dernier, lorsque le décret du gouvernement tenter de prolonger à 5 ans la durée. Il avait même été très clair sur le sujet, estimant en effet « qu’une durée de trois ans est satisfaisante, dans la mesure où elle ne ferme pas le marché pour une période trop longue tout en laissant à l’acheteur suffisamment de temps pour amortir son investissement ».

… Alors messieurs les arbitres… Faute ou tacle loyal de la part de la LFP ?