Droit d’auteur aux USA : fini les singeries ! No Monkey business

Northern District of California Naruto v. Slater, Affaire No. 15-cv-04324-WHO

Depuis les années 1950 au moins, les humains se sont intéressés aux prétendues capacités artistiques des animaux. Donnez un pinceau à un primate, et vous avez quelque chance d’obtenir un chef-d’œuvre de créativité abstraite. Dressez un éléphant à tenir un pinceau dans sa trompe, et vous pouvez même obtenir un autoportrait.

Mais qui détient les droits de publication de ces œuvres d’art? Est-ce l’homme qui possède l’animal ? Ou l’homme qui fournit le matériel artistique ? Nous savons maintenant qu’aux USA ce n’est pas l’animal qui est l’auteur.

Contexte

Il y a quelques années, un macaque crêté nommé Naruto a « créé » une série de soi-disant « Selfies de Singe » en manipulant seul l’appareil photo d’un photographe et en « appuyant volontairement » à plusieurs reprises sur le déclencheur. Le photographe qui a mis en place l’appareil photo a prétendu être l’auteur et a vendu des tirages à bon prix.

Action au profit du singe abusé

En 2015, l’association américaine pour la protection des animaux (PETA) a déposé une plainte alléguant que le photographe et son éditeur ont violé le droit d’auteur du singe et que le singe avait droit aux bénéfices que ceux-ci ont tirés des photos.

Imaginez combien de bananes ces bénéfices permettraient d’acheter !

Arguments en défense

Les défendeurs ont fait valoir que le singe n’avait pas qualité d’auteur en vertu du Copyright Act (loi américaine sur le droit d’auteur), et que la demande devait donc être rejetée. La Cour a noté que dans les rares cas traitant de savoir si les animaux pouvaient intenter des procès, les tribunaux ont eu à examiner la loi pour déterminer si elle témoigne l’intention du Congrès américain de conférer la qualité à agir des animaux.

En l’espèce, il n’est aucunement fait mention des animaux dans le Copyright Act. En outre, le Copyright Office  a expressément indiqué que les œuvres créées par les animaux ne bénéficient pas de la protection du droit d’auteur  et ce dans le Compendium, sorte de circulaire à usage interne pour les bureaux américains en charge du droit d’auteur. En fait, le Compendium ne peut pas être plus clair lorsqu’il donne expressément l’exemple suivant d’œuvres qui ne peuvent pas être enregistrées: «  [A] photographie prise par un singe »

Décision de la cour

La Cour suivant les arguments de la défense a rejeté la demande faite au nom du singe.
La Cour a également précisé que les animaux qui revendiquent des droits d’auteur se trompent d’interlocuteur en s’adressant aux tribunaux : « c’est une demande qui devrait être faite au Congrès et au Président, pas à moi ».

Alors qui est l’auteur ?

Qui possède alors le droit d’auteur des Selfies de singe? Est-ce le photographe, qui possède et a mis en place l’appareil photo, qui a peut-être choisi le cadre et tout organisé, mais n’a pas poussé sur le déclencheur? C’est ce qu’il a pu croire, lorsqu’il a exigé que Wikipedia retire ces photos du fonds d’images à usage libre. Le site a refusé et le Copyright Office a confirmé cette position en publiant l’exemple sus mentionné dans la nouvelle édition du Compendium.

Ainsi, voilà semble-t-il l’un des rares cas où les œuvres sont dans le domaine public dès leur « création ». Le Selfie de singe est donc affiché ici, pour le plaisir de tous sans aucune exigence de licence.