Nous avions souligné dans cette Revue il y a un an que le banquier était tenu d’un devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur non averti (Le devoir de mise en garde et l’emprunteur…). Solution classique déjà alors, et reprise depuis. Deux décisions récentes ont retenu notre attention. La première a le mérite de préciser les contours du devoir de mise en garde ou d’information de la banque à l’égard du garant, en fonction de la garantie souscrite. La seconde décision, prise par la 1re chambre civile, embrouille malheureusement la définition d’emprunteur averti, en décidant en sens inverse de la chambre commerciale.

Dans l’espèce du 24 mars 2009, des particuliers s’étaient portés garant d’une société en consentant une hypothèque au bénéfice de la banque dispensatrice du crédit. La société emprunteuse a été mise en liquidation judiciaire et la banque a initié une procédure de saisie immobilière du bien immobilier objet de l’hypothèque.

Face au moyen de défense des garants mettant en cause la responsabilité de la banque pour défaut d’information et de mise en garde, la Cour de Cassation a pris en compte la nature de la garantie fournie pour indiquer que celle-ci n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire l’obligation d’autrui, elle ne constituait pas un cautionnement et que « s’agissant d’une hypothèque sur un bien, elle est limitée à ce bien et nécessairement adaptée aux capacités financières du constituant et aux risques de l’endettement né de l’octroi du crédit ». La Cour en conclut que « la banque qui fait souscrire une telle sûreté n’est dès lors pas tenue d’un devoir de mise en garde à l’égard du constituant, que celui-ci soit ou non averti ».

La Cour de cassation différencie donc le traitement réservé aux constituants d’une garantie réelle, comme en l’espèce, à celui réservé aux constituants d’une garantie personnelle, comme le cautionnement. Si cette jurisprudence de la Chambre Commerciale se maintenait, elle pourrait être étendue aux autres garantie réelle, et pourrait notamment limiter les mises en cause de responsabilité des banquiers bénéficiaires de garantie réelle, comme notamment une fiducie-sûreté portant sur des biens immobiliers.

Dans l’espèce du 30 avril 2009, la décision rendue par la Première Chambre Civile est tout autre, puisqu’elle ne précise pas le régime de l’obligation du banquier selon la garantie octroyée, mais selon les personnes qui l’ont octroyée.

Ainsi, l’arrêt indique que la banque n’est pas dispensée de son devoir de mise en garde à l’égard d’un emprunteur non averti, « par la présence [à ses côtés] d’une personne avertie, peu important qu’elle soit tiers ou partie ». Cette décision est en contradiction avec la jurisprudence de la Chambre commerciale, laquelle indique précisément le contraire, et de manière constante à notre connaissance (voir notamment Cass. Com. 12/11/2008, n°07-15.949 ou Cass. com. 3/05/2006, n°02-11.211).

Compte tenu du fait que la Cour de cassation accorde de l’importance à cette décision, qui fera l’objet d’une publication au Bulletin d’information, il y a fort à parier que ce nouveau bras de fer entre chambres n’aboutissent à une décision de la formation mixte ou plénière.