Les difficultés sont désormais connues de tous : la question du statut des directeurs généraux et celle de la validité des délégations de pouvoirs dans les SAS ont fait l’objet ces derniers mois d’une évolution assez déstabilisante.

Alors que la liberté semblait prévaloir en la matière, cette évolution récente amène à reconsidérer la validité des délégations de pouvoirs au sein des SAS.

En fait c’est la sévérité dont fait preuve la Cour d’appel de Paris qui fait débat. Alors que certaines de ses décisions sont sévères mais juridiquement correctes [1] , la Cour de Paris a rendu une décision inquiétante qui se retrouve au centre de cette brûlante actualité [2] .

Les faits étaient classiques et étaient relatifs à une problématique de licenciement : le directeur général d’une SAS avait reçu de son président ses pouvoirs en matière de gestion de personnel, ceux-ci ayant été transmis avec faculté de subdélégation. Le directeur général avait exercé cette faculté, et la lettre de licenciement faisant l’objet du litige avait été signée par le subdélégataire. La Cour, dans son attendu, semble poser deux critères à la validité d’une délégation de pouvoirs : l’exigence d’un écrit et l’exigence d’une publicité de la délégation au registre du commerce et des sociétés (RCS). Si le premier critère n’est pas choquant (ne serait-ce que pour des raisons de preuve), le second a été vivement critiqué. En résumé, cette solution, si elle est confirmée, impliquerait qu’en absence d’une délégation inscrite au K-bis, les actes juridiques au sein d’une SAS devront être signés par le président, un directeur général ou un directeur général adjoint.

Comment imaginer que soit inscrite au registre du commerce et des sociétés la totalité des délégations et subdélégations spéciales ? Devant l’impossibilité matérielle d’une telle mesure, il semblerait d’ailleurs en pratique, que les greffes n’acceptent pas de mentionner les délégations et subdélégations au registre.

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L’inscription au registre se justifiant par le souci d’informer les tiers, il n’était pas illogique que la Cour de Paris poursuive son œuvre.

Un arrêt récent de cette même Cour s’inscrit dans la même démarche, tout en semblant moins irrationnelle [3]. La Cour affirme désormais que les SAS doivent faire inscrire au registre du commerce les membres de leur directoire et de leur conseil de surveillance, même si les statuts ne leur accordent aucun pouvoir de direction.

La Cour estime que cette solution est justifiée dès lors que la loi exige une telle mesure à l’égard de « la société » sans autre précision quant à la forme sociale et la nature des organes de direction.
La solution n’est pas juridiquement scandaleuse et est louable puisqu’elle participe d’une démarche visant à protéger, plus ou moins strictement, les tiers. Pour autant, elle implique de nombreuses conséquences pratiques à propos des SAS. Quid des sociétés existantes ?

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Victime de la liberté qu’elle propose, la SAS se retrouve donc au cœur d’une tourmente dont l’issue est incertaine. Les juges ont conscience que cette liberté est un réel moteur économique, mais ils ne souhaitent pas pour autant que l’insécurité juridique prospère.

Il est donc plus que jamais temps que la Cour de cassation s’attache à rétablir une cohérence désormais nécessaire.

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[1] CA Paris, 3 déc. 2009, n°09/05422
[2] CA Paris, 10 déc. 2009, n°09/04775
[3] CA Paris, 18 mai 2010, n°10/00710