Il y a trois ans déjà, l’ordonnance du 12 mars 2014, conçue dans le but de « simplifier » la gestion des procédures collectives, est venue modifier la procédure de déclaration des créances.

Avant cette réforme, les créanciers (hors salariés) devaient adresser leur déclaration de créances au mandataire judiciaire dans un délai de deux mois (quatre mois pour ceux résidant hors de France Métropolitaine) à partir de la publication au BODACC du jugement ouvrant la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, sous peine de forclusion.

Dans sa nouvelle rédaction, l’article L 622-24 du Code de commerce met toujours en avant la nécessité, pour le créancier, de déclarer ses créances (alinéa 1), et ce dans les mêmes délais que précédemment. Sur ce point, pas de changement donc ; la nouveauté est ailleurs.

Un objectif : faciliter la vie des créanciers

La première évolution majeure concerne l’alinéa 2, qui précise que le créancier peut « ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance ». En d’autres termes, la déclaration peut désormais être réalisée par une personne n’ayant pas de pouvoir et il suffira au créancier d’approuver cet acte postérieurement pour qu’il soit valable.

Cette disposition, appelée de ses vœux par la pratique, facilite la vie des créanciers qui font face aux délais courts de déclaration, parfois incompatibles avec la gestion d’une entreprise, en leur permettant de justifier seulement « après coup » du bienfondé de la déclaration réalisée par une personne ne disposant pas d’un pouvoir à l’origine.

La baisse du contentieux, jusqu’alors prolixe en la matière, témoigne de l’intérêt de cet assouplissement.

L’autre évolution (révolution ?) concerne la faculté du débiteur de déclarer pour le compte de ses créanciers. Ainsi l’alinéa 3 prévoit que : « Lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa. ».

Il s’agit là d’une nouveauté qui tire notamment parti :

(1) de l’obligation prévue à l’alinéa 2 de l’article L 622-6 du Code de commerce : « Le débiteur remet à l’administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, (…). »

(2) Et du texte règlementaire y afférent, l’article R 622-5 du Code de commerce : « La liste des créanciers établie par le débiteur conformément à l’article L. 622-6 comporte les nom ou dénomination, siège ou domicile de chaque créancier avec l’indication du montant des sommes dues au jour du jugement d’ouverture, des sommes à échoir et de leur date d’échéance, de la nature de la créance, des sûretés et privilèges dont chaque créance est assortie (…).
Dans les huit jours qui suivent le jugement d’ouverture, le débiteur remet la liste à l’administrateur et au mandataire judiciaire. Celui-ci la dépose au greffe. »

Jusqu’à présent, cette liste permettait notamment au mandataire judiciaire d’écrire aux créanciers listés pour les inviter à déclarer leurs créances.

Désormais, et sous réserve que des informations suffisamment précises soient données par le débiteur, ce dernier est présumé avoir agi pour le compte du créancier et avoir déclaré sa créance au sens de l’article L 622-24 du Code de commerce.

Précisions qu’au-delà de cette liste, toute créance portée à la connaissance du mandataire judiciaire, jusqu’au terme des délais (précités) prévus par la loi pour déclarer, vaut déclaration de créance.

Exit donc le fastidieux exercice de déclaration de créance ? Pas si sûr !

Nombre de commentateurs se sont félicités de cette modification du texte, toutefois, en pratique, plusieurs obstacles ont rapidement été mis en exergue et notamment : des informations incomplètes, montants inexacts, absence de mention des privilèges ou des intérêts, une liste souvent non-exhaustive établie dans un contexte difficile, ou encore l’absence réelle de sanction du débiteur (l’article L 653-8 du Code de commerce exige en effet la démonstration de la mauvaise foi du débiteur, souvent difficile à prouver, pour lui interdire de gérer ou d’administrer).

Ainsi, il est assez rare que le débiteur, pourtant le plus souvent de bonne foi, transmette toutes les informations relatives aux créanciers de son entreprise.

Dans les faits, une fois ces informations recueillies, le mandataire écrit aux créanciers pour leur indiquer que le débiteur a déclaré un montant pour leur compte, de façon à ce qu’ils vérifient la somme et la corrigent éventuellement (outre, par exemple, le jeu des compensations ou de la connexité), dans les délais légaux.

En l’absence d’informations précises données par le débiteur ou si elles sont erronées, alors, la créance n’est pas considérée comme déclarée (c’est par exemple le cas des créances déclarées « en bloc », sans détail) et le mandataire demande simplement au créancier de déclarer sa créance, comme il est d’usage (cette déclaration prévaudra sur celle du débiteur).

Si le débiteur n’a pas mentionné l’existence de certains créanciers, le mandataire ne pourra pas leur écrire. Ainsi, il appartient toujours au créancier de se tenir informé et de déclarer spontanément ses créances (ou de se faire relever de forclusion s’il est hors délais).

Le créancier doit donc demeurer attentif et ne peut uniquement compter sur la bonne foi du débiteur, même si cette nouvelle possibilité de déclaration, en ses lieux et place, lui facilite la vie dans certains cas.

Précisons que la déclaration réalisée par le débiteur ne remet pas en cause l’existence de la procédure de vérification des créances et, partant, que des contestations sont toujours possibles (Article L. 622-27 du Code de commerce) à l’initiative du mandataire ; le débiteur déclarant étant mal fondé à contester.

En cas de contestation, le créancier devra justifier du bien-fondé de la créance déclarée pour son compte par le débiteur (délai de 30 jours) et en cas de désaccord persistant, une audience devant le juge-commissaire sera organisée.

Par ailleurs, et pour compléter le mécanisme de déclaration par le débiteur, les rédacteurs de l’ordonnance ont pris soin de modifier le régime de relevé de forclusion, en l’assouplissant. En effet, non seulement le créancier bénéficie toujours de la procédure de relevé de forclusion (L. 622-26 du Code de commerce), mais la référence à un oubli « volontaire » ou « dolosif » du débiteur a été supprimé. Pour que les juges autorisent le relevé, il suffit désormais que le débiteur ait été négligent en communiquant le nom de ses créanciers au mandataire judiciaire.

S’il est indéniable que le système instauré par l’ordonnance de mars 2014 représente une avancée notable, il s’agit d’un « filet de sécurité » pour le créancier, qui se doit de rester prudent, de contrôler la déclaration faite pour son compte et de déclarer au moindre doute ; la vigilance reste donc de mise !