La vie d’une entreprise est faite de succès, d’expansion, de contrats qui lui permettent de grandir, de s’étoffer et de prendre pied année après année sur son marché.

Cette croissance nécessaire est parfois ralentie par le marché lui-même, qui évolue ou se contracte ou par des phénomènes plus violents, telle la crise sans précédent qui a secoué le monde à partir de l’automne 2009 et fragilisé nombre d’entreprises.

Une subite baisse des commandes, une activité en mal de renouvellement, une masse salariale disproportionnée, des charges croissantes, des banquiers réticents à maintenir les lignes de crédit, des fournisseurs augmentant leurs prix et exigeant le paiement au cul du camion et des clients toujours à l’affut de réductions de prix (…), autant de facteurs avec lesquels le courageux dirigeant doit « jongler » jour après jour pour maintenir hors de l’eau son entreprise et garder le cap afin de contenter ses actionnaires et partenaires (salariés, fournisseurs et clients).

Équation difficile et parfois impossible à résoudre qui peut conduire à l’inévitable : la cessation des paiements.

Pour éviter d’en arriver à cet extrême ou extrémité, le dirigeant doit surveiller attentivement les clignotants de son tableau de bord et pressentir le moment où, une aide extérieure sera nécessaire.

Les signes avant coureurs évoqués : trésorerie tendue, non-renouvellement ou réduction des engagements bancaires, commandes en baisse doivent le conduire à consulter immédiatement son avocat pour faire le point et évoquer les solutions juridiques et pratiques s’offrant à lui.

L’une d’elle, jusqu’alors assez méconnue des dirigeants d’entreprise, vient d’être remise au goût du jour par la loi du 26 juillet 2005 (n°2005-845) et l’ordonnance du 18 décembre 2008 (n°2008-1345), suivant en cela la volonté des praticiens d’insuffler plus d’anticipation, de « prévention » pour éviter que l’entreprise ne s’engage dans une spirale dont l’issue est parfois fatale aux portes du tribunal de commerce (95 % de liquidation judicaire en moyenne).

Cette solution est le mandat ad hoc.

1/ Un outil ouvert à un large public et caractérisé par sa confidentialité

Cette procédure amiable est organisée par les articles L. 611-3 et R. 611-18 à R. 611-20 du Code de commerce et permet au dirigeant de trouver une issue à une situation de blocage sous l’égide d’un tiers expert accoutumé à la gestion de crise.

Attention, l’entreprise ne doit pas être en état de cessation des paiements pour y recourir.

Cette procédure s’adresse à toutes les entreprises commerciales, artisanales ou agricoles exploitées à titre individuel ou sous forme de sociétés ainsi qu’à toute personne morale de droit privé comprenant les professions libérales ou indépendantes.

Elle se caractérise par une grande souplesse car aucun délai légal ne l’encadre.

Le mandat ad-hoc est une procédure entièrement confidentielle que ce soit au niveau de la désignation du mandataire ad-hoc, que dans son déroulement, qu’au niveau de la conclusion d’un éventuel accord dont il est seulement rapporté au Président du tribunal de commerce, auteur de la désignation pour qu’il mette fin à la mission du mandataire ad-hoc.

2/ Procédure de désignation d’un mandataire ad’ hoc

La requête

Seul le dirigeant est en mesure de demander la désignation d’un mandataire ad’ hoc.

Il adresse ou remet une requête accompagnée de pièces au Greffe de la présidence du Tribunal de Commerce (pour les commerçants) de son siège social.

La requête, généralement rédigée avec l’aide d’un avocat, expose les difficultés financières et les mesures ou les remises de dettes qui permettraient de sortir de la situation difficile.

A la requête sont annexées un extrait Kbis, un état des créances et des dettes accompagné d’un échéancier ou encore la liste des principaux créanciers. Plus d’informations sur les pièces à fournir sont disponibles sur le site du Tribunal de commerce de Paris.

Le débiteur propose le nom d’un mandataire ad-hoc et produit un courrier de ce dernier faisant état d’un accord sur le calcul de sa rémunération (somme fixe, mensuelle, base et honoraire de résultat…).

Il faut garder à l’esprit que cette procédure à un coût non négligeable, qui devra être supportée par l’entreprise.

L’audience et la désignation

Un magistrat délégué examine la requête et fait convoquer par le greffier le dirigeant à un entretien pour y recueillir ses explications.

Le mandataire ad-hoc, nommé par le Président du Tribunal de commerce, est généralement, mais pas obligatoirement, un administrateur judiciaire.

En effet, le mandataire ad-hoc est choisi pour ses compétences techniques, sa connaissance du secteur de l’entreprise, son savoir juridique, comptable et financier et son expérience notamment en matière de gestion de crise et conflit individuel ou collectif.

Dans les négociations, il apportera ainsi le poids de son expérience et de sa fonction, qui plus est, sa nomination par le Président du Tribunal de commerce lui confère force et légitimité ajoutées à son indépendance.

Le Président du Tribunal fixe librement la mission du mandataire dans son ordonnance, même s’il est conseillé de préciser celle-ci dans la requête.

L’ordonnance fixe la durée de la mission (le plus souvent trois mois renouvelable, à la différence de la conciliation : 4 mois plus un mois).

Une fois l’ordonnance rendue, le mandataire commence sa mission.

3/ Le mandat ad’ hoc

La direction et le management restent en place, le mandataire ad-hoc ne fait que les assister.

Le mandataire va, le plus souvent, aider le dirigeant en difficulté à trouver un accord avec ses principaux créanciers (échelonnement des dettes, renégociation des conditions d’exigibilité), mais aussi l’assister dans la mise en œuvre d’une restructuration juridique, recherche de capitaux ou d’investisseurs dans le but de reconstituer ses fonds propres ou sa trésorerie (LBO en difficulté).

Le mandataire, grâce à sa légitimité, sera à même de faire pression pour débloquer la situation si nécessaire.

Le mandat ad-hoc peut avoir trois issues :

1/ Le succès de la négociation. Dans ce cas, un protocole d’accord entre l’entreprise en difficulté et ses créanciers / fournisseurs sera conclu en présence du mandataire. Cet accord demeure confidentiel.

2/ Les créanciers dans le but de renforcer l’opposabilité et la sécurité juridique de l’accord ou de bénéficier du privilège de new money peuvent demander l’homologation de l’accord. En conséquence, l’ouverture d’une procédure de conciliation sera nécessaire et le mandataire sera généralement désigné conciliateur.

3/ L’échec de la mission du mandataire. Dès lors :

– soit le débiteur constate l’état de cessation des paiements et décide de procéder à l’ouverture d’une procédure collective ;

– soit le Tribunal peut se saisir d’office dans le but d’examiner si une procédure collective doit être ouverte.

4/ A qui s’adresse le mandat ad’ hoc

Le mandat ad hoc est réservé aux entreprises qui sont globalement en bonne santé financière mais qui traversent une passe difficile.

Il s’agit d’un outil performant et efficace pour les remettre d’aplomb via la négociation d’un accord « sur mesure ».

Le processus nécessite une implication forte de la part du dirigeant et du management, souvent écartelés entre les demandes pressantes de ses interlocuteurs habituels, fournisseurs, clients, salariés et la nécessaire confidentialité du mandat ad’ hoc. Il s’agit d’éviter d’alarmer inutilement les partenaires qui pourraient être tentés de quitter le navire.

La réussite d’un mandat ad’ hoc tient essentiellement à la mobilisation de la direction de l’entreprise (un petit groupe restreint), le savoir faire du mandataire, de même que l’appui des partenaires bancaires ou commerciaux, ainsi qu’à une bonne préparation en amont de la procédure par la direction avec l’aide de ses conseils.

Les qualités intrinsèques du mandataire sont sa technique de négociateur et son empathie, qui font de lui une sorte de conciliateur. Tout compte fait, le mandataire ad’ hoc est une sorte de médiateur chargé d’aider l’entreprise et ses partenaires à désamorcer une crise et à rechercher une solution amiable.
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Les avocats du département International Dispute Resolution de Squire Sanders Hammonds interviennent régulièrement en matière de procédures collectives en France comme au niveau européen ou international avec l’assistance de leurs homologues des 37 bureaux Squire Sanders & Dempsey à l’étranger. Le récent rapprochement de Hammonds et SSD permet une approche véritablement globalisée du traitement des dossiers transnationaux.