CJUE, affaires jointes C-447/08 et C-448/08

Dans l’arrêt « Liga Portugesa » (C-42/07), la CJCE (devenue CJUE) indiquait que l’article 49 CE ne s’oppose pas à la réglementation portugaise, qui interdit à des opérateurs pourtant établis dans d’autres Etats membres, où ils fournissent légalement des services analogues, de proposer des jeux de hasard par Internet sur le territoire portugais.

Cette interdiction y était justifiée par la protection de l’ordre public (à travers la fameuse jurisprudence des raisons impérieuses d’intérêt général) et soumise au respect des principes fondamentaux de proportionnalité et de non-discrimination.

Au regard des procédures d’infraction mises en œuvre depuis 2006 par la Commission Européenne à l’encontre de la France et de la Suède notamment, pour que cessent les restrictions à l’ouverture du marché des paris sportifs, beaucoup ont alors qualifié l’arrêt « Liga Portugesa » de position contraire de la Cour de Justice.

Rappelons cependant que la Commission Européenne avait estimé que ces deux Etats membres n’avaient pas démontré que les restrictions en place (i) étaient nécessaires, adéquates et non discriminatoires et (ii) avait clairement un but lucratif.

Le 23 février dernier, l’Avocat général M. Bot a formulé des conclusions au titre d’un renvoi préjudiciel de la Cour d’appel de Stockholm (Suède) qui doit statuer sur la condamnation de deux responsables éditoriaux ayant violé la loi suédoise sur les paris, en faisant paraître dans les pages sportives de leurs journaux, des annonces publicitaires pour des loteries proposées sur les sites Internet d’opérateurs établis à l’étranger.

La Cour d’appel de Stockholm invite donc la CJUE à déterminer en quoi la règlementation suédoise d’interdiction de la promotion des jeux sur Internet organisés par des sociétés établies dans d’autres États membres, était conforme au droit communautaire.

En d’autres termes et à l’appui des décisions et procédures ci-dessus, il convenait de s’interroger sur la proportionnalité de l’interdiction de publicité et sur sa compatibilité avec les objectifs visés par l’article 49 CE (devenu l’article 56 TFUE).
L’Avocat général estime tout d’abord l’interdiction proportionnelle à l’objectif de protection de l’ordre public, au motif que le critère de proportionnalité doit être apprécié au vu du large pouvoir d’appréciation des Etats membres dans le domaine des jeux d’argent en ligne.

Ses conclusions rappellent la jurisprudence constante selon laquelle les jeux d’argent sur Internet ne font pas l’objet d’une harmonisation communautaire, les États membres ayant donc la possibilité de « restreindre l’organisation et l’exploitation de cette activité sur leur territoire afin de protéger l’ordre public contre les risques de fraude et de criminalité ainsi que les consommateurs contre une incitation excessive au jeu ».

Il rappelle surtout, l’arrêt « Liga Portuguesa » à l’appui, que les Etats membres «peuvent aussi, pour des raisons d’ordre moral, religieux ou culturel, décider que les jeux d’argent ne doivent pas constituer une source de profit individuel mais profiter exclusivement à des causes d’intérêt général » ;

Ainsi,

– les jeux sur Internet présentent des risques de fraude et de criminalité plus importants que les jeux d’argent proposés par les voies traditionnelles et pourraient donc faire l’objet de mesures spéciales au titre de la protection de l’ordre public,

– la proportionnalité d’une restriction à l’accès au marché d’un État membre doit donc être examinée au regard de ce seul objectif ;

– l’aptitude d’un Etat membre à protéger effectivement les consommateurs contre ces risques de troubles à l’ordre public suffirait à justifier l’interdiction.

En application du raisonnement appliqué dans l’arrêt « Liga Portuguesa », M Bot justifie en conséquence l’interdiction suédoise « par l’objectif de lutte contre la fraude et la criminalité, indépendamment du point de savoir si cette réglementation est effectivement proportionnée à ses autres objectifs, tenant à la protection des consommateurs et à l’affectation des revenus des jeux au financement de causes d’intérêt général ».

On peut dès lors s’interroger sur la conformité des décisions antérieures de la Commission avec la jurisprudence de la CJUE. L’arrêt « Liga Portuguesa » pourrait en définitive ne pas être un revirement de la position européenne comme certains avait pu l’estimer prématurément.

Pour autant, M. Bot ne donne pas totalement raison à la règlementation suédoise en considérant son système répressif comme discriminatoire par sa dualité de sanctions selon la localisation de l’opérateur dont il est fait la promotion. En effet, la promotion de ce type de jeux est passible de sanctions pénales lorsque ceux-ci sont organisés par une société établie dans un autre État membre, et seulement de sanctions civiles s’ils sont organisés sans autorisation sur le territoire national suédois.