Le 10 septembre 2012, l’AFA, à l’issue de son assemblée générale, a organisé une conférence fort appréciée par un auditoire nombreux de praticiens de l’arbitrage, rue Cambon.

Peter Herbel, Directeur juridique du Groupe Total, empêché, s’est fait remplacer à la dernière minute par Alexandre Job, chargé des grands contentieux au service juridique du Groupe Total.

Il a été question de l’arbitrage CCI et AFA, de la relative bonne santé de l’arbitrage international, la CCI ayant enregistré en 2011, 796 demandes nouvelles et 508 sentences ont été rendues par des tribunaux arbitraux constitués dans le cadre de son règlement.

Monsieur Job a rappelé que les usagers sont partagés quant au processus arbitral, 50% se déclarent déçus et invoquent une dérive arbitrale tant en ce qui concerne la durée, les coûts et la prévisibilité de la sentence arbitrale. Cinq qualités essentielles sont attendues par les entreprises utilisatrices : l’équité, la flexibilité, la discrétion, la transparence et l’efficacité. Total, consommateur régulier de l’arbitrage international, choisit l’arbitrage institutionnel par opposition au ad hoc et devant une offre pléthorique de règlements et de centres, marque une certaine préférence pour le règlement et l’arbitrage CCI. Les arbitrages dans lesquels Total est partie ont une durée de vie moyenne de trois à cinq ans et un coût trop élevé. La tendance est à l’allongement de la durée des procédures et l’augmentation de la facture finale.

Total attend de ses avocats une gestion rigoureuse de l’arbitrage (« case management ») et une plus grande efficience des centres d’arbitrage, des arbitres et de ses avocats. Il convient de rechercher un équilibre entre la célérité, l’efficacité et le coût de la procédure en tenant compte de la prévisibilité, c’est-à-dire la victoire attendue, consacrée par la sentence arbitrale.

Malgré ses défauts avérés, les grandes entreprises comme Total estiment ne pas avoir le choix de refuser l’arbitrage en cas de conflit international. En effet, il n’est pas question de s’en remettre à la justice étatique de l’une ou l’autre des parties, qui ignore généralement la réalité des affaires.
Monsieur Job a insisté sur son attente d’une gestion des arbitrages en mode projet (« project management »). Il attend plus de flexibilité et une ouverture aux modes alternatifs de règlement des litiges.

L’arbitre, juge privé, doit aussi être un facilitateur, qui dans certaines circonstances peut changer de casquette et devenir conciliateur, voire médiateur. L’arbitrage n’est pas un cul de sac mais doit être une passerelle vers les ADR si les parties le souhaitent. Les arbitres ne doivent pas ignorer que les parties comptent sur la préservation de leurs relations et intérêts commerciaux et que l’arbitrage n’est jamais une fin en soi.

Les clés du succès sont :

• La confiance des parties dans l’arbitre ou le tribunal arbitral ;

• la confiance dans le processus arbitral, ce qui implique que les arbitres aient une expérience avérée des sujets commerciaux, industriels et juridiques qui sont au centre du différend ;

• l’impartialité, la disponibilité et l’intégrité des arbitres ;

• la révélation de tout ce qui peut influencer l’arbitre et constituer de près ou de loin un conflit d’intérêt ou une source de préjugé.

Se développe aujourd’hui le contentieux de la récusation, celui de l’annulation ainsi que la mise en jeu judiciaire de la responsabilité des arbitres. Il faut donc que l’arbitre révèle tout, même s’il estime être parfaitement indépendant et n’avoir aucun conflit d’intérêt. Ce n’est pas à lui d’apprécier la pertinence des faits à révéler, mais aux parties.

Monsieur Job a fait allusion à la perversité du financement des arbitrages par un tiers « Third party funding ».

Il y a lieu de s’interroger sur le développement de l’arbitrage domestique impliquant des PME qui ont le choix entre les tribunaux consulaires et l’arbitrage et qui à ce jour recourent peu à l’arbitrage, exception faite de domaines spécialisés comme les affaires maritimes ou la franchise.

Il a ensuite été question de l’alchimie du processus de sélection de l’arbitre. L’arbitre choisi, tout en étant indépendant, impartial et sans conflit d’intérêt, doit veiller à ce que les thèses et arguments de la partie qui l’a désigné soient entendues.

En conclusion, Monsieur Job a de nouveau insisté sur le « project management », les faibles motivations des sentences, fort longues mais insuffisamment motivées. Il faut que la motivation soit à la hauteur de la rémunération perçue par l’arbitre.

Cette conférence a été suivie d’une séance de question-réponse. Monsieur Vuillard (Alstom) a rappelé que le maillon faible de l’arbitrage était le juriste d’entreprise. Il a corroboré les propos de Monsieur Job sur la faiblesse de la motivation de beaucoup de sentences, voire sa dégradation. Il a également été question de l’arbitrage impliquant les collectivités publiques, aujourd’hui reconnu, même si le juge d’appui est le juge administratif, moins au fait de la chose arbitrale.

Le message que nous avons entendu était somme toute critique et une invitation aux arbitres professionnels et aux centres d’arbitrage à une meilleure écoute de l’attente des parties.

L’auditoire a poursuivi le débat autour du verre de l’amitié. Remercions l’AFA pour cette belle soirée.