Dans le cadre des relations d’affaires liant une banque à l’un de ses clients, holding de Groupe, deux salariés de l’établissement ont été désignés administrateurs à titre personnel de ce dernier, avec pour mission d’agir dans les intérêts de la banque.

Les engagements du groupe de sociétés envers la banque étant devenus excessifs, un transfert de risque a été effectué entre diverses sociétés et le holding, limitant l’exposition de la banque, ce dernier ayant par ailleurs utilisé les facilités de trésorerie dont bénéficiaient les filiales, asséchant ainsi la trésorerie du groupe.

Par jugement du 19 décembre 1996, le holding a été mis en redressement judiciaire, et le tribunal a étendu cette procédure à diverses sociétés du groupe sur le fondement de la confusion des patrimoines.

L’administrateur Judiciaire agissant en qualité de commissaire à l’exécution du plan a assigné la banque et ses deux salariés en responsabilité aux fins de les voir condamner à supporter l’insuffisance d’actif de la société.

Par un arrêt remarqué de la Cour d’Appel de Versailles du 29 avril 2004, la banque a été condamnée sur le fondement de la direction de fait, et en application de l’article L.624-3 ancien du Code de Commerce au règlement de la somme de 44.000.000 euros à la liquidation.

Le pourvoi formé par la banque, qui tentait de remettre en cause la qualification de dirigeant de fait, vient d’être rejeté.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation pose tout d’abord un principe général relatif à la direction de fait.

Elle précise, sur le fondement de l’article L.624-3 dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, que la personne morale qui, sans être dirigeant de droit de la société en redressement ou liquidation judiciaire, a exercé en fait, par l’intermédiaire d’une personne physique qu’elle a choisie et qui a agi sous son emprise, des pouvoirs de direction sur la société peut être déclarée responsable.

Or, en vertu de l’article L.624-2 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, les fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif d’une société en redressement ou liquidation judiciaire peuvent engager la responsabilité des personnes morales dirigeantes et celle de leurs représentants permanents.

Une telle faute de gestion nécessite l’existence d’un faisceau d’indices concordants.

Au cas présent, la banque s’est aperçue dès 1992 que ses engagements vis à vis des sociétés du groupe était excessifs, et elle a fait en sorte, par le biais de ses représentants au conseil d’administration, de supprimer l’endettement envers les banques en transférant ces risques au holding.

Au surplus, le holding a, entre 1990 et 1996, utilisé de façon systématique les facilités de trésorerie dont bénéficiaient les sociétés d’exploitation du groupe pour consentir aux autres sociétés du groupe des avances d’un montant comparable à ces facilités à des conditions financières exorbitantes.

Dès lors et très rapidement, les sommes ainsi prêtées par le Holding ne pouvaient plus être remboursées, ce qui a causé la faillite du groupe.

Ces modalités de gestion par le conseil d’administration du holding, auquel étaient partis des représentants de la banque, ont eu pour effet de réduire l’endettement des sociétés envers les banques en transférant ces risques au holding, sans aucune contrepartie, masquant ainsi un soutien abusif apporté par la banque aux sociétés du groupe.

La banque, personne morale, a en fait et par l’intermédiaire de ses subordonnés réalisé en toute indépendance des actes positifs de direction du holding qui ont conduit au redressement de ce dernier, ce qui justifie sa condamnation à supporter l’insuffisance d’actif de la société.

Cette décision, présente un intérêt particulier au regard de la réforme récente des procédures collectives.

En effet, le nouvel article L.650-1 du Code de Commerce pose désormais un principe de "non-responsabilité" des Etablissements de crédit en cas de concours consentis à une entreprise en difficulté, s’opposant ainsi à la jurisprudence constante relative au soutien abusif.

On pourrait penser qu’une telle décision ne serait plus susceptible d’être rendue sous l’empire de la loi nouvelle.

Toutefois, il existe de rares cas dans lesquels la responsabilité de l’établissement sera maintenue, et notamment la situation "d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur".

Ce cas particulier n’étant pas encore défini par la jurisprudence qui n’a pas encore eu à en connaître, il y a fort à parier que les faits de la présente espèce pourrait en être un parfait exemple, ce qui donne en cela une portée particulière à cet arrêt.

Les établissements bancaires devront donc se montrer vigilant et encadrer précisément les pouvoirs de leurs représentants afin d’éviter toute condamnation en cas de faillite.