CE 10 février 2014 n° 356125, 3e et 8e s.-s., – CE 10 février 2014 n° 357117, 3e et 8e s.-s.

Il ressort de deux arrêts du Conseil d’État du 10 février 2014 que l’obligation de déclarer les abandons de créances et subventions intragroupe ne dépend ni du traitement fiscal appliqué aux montants en cause (déductibles ou non-déductibles), ni du bien-fondé ou de la régularité de la procédure ayant conduit au rehaussement du résultat d’ensemble. La Haute Juridiction apporte des précisions sur les conditions dans lesquelles l’amende de 5% pour manquement à l’obligation de déclarer les subventions et abandons de créance intragroupe (aujourd’hui codifiée à l’article 1763 du CGI) peut être infligée.

Dans la première affaire, une société membre d’un groupe avait procédé au rachat d’une créance pour un prix majoré auprès d’une société sœur. L’administration a appliqué l’amende de l’article 1734 bis du CGI (devenu article 1763) à la société mère du groupe, en considérant que la différence entre la valeur de rachat de la créance et sa valeur réelle constituait une subvention indirecte, qui n’avait pas été portée sur l’état des abandons de créances et subventions intragroupe.

Dans la seconde affaire, une société mère avait cédé à une filiale les titres d’une autre société du même groupe à un prix minoré. Se fondant sur la théorie de l’acte anormal de gestion, l’administration a réintégré le montant de la libéralité consentie à la filiale dans les résultats propres de la société cédante et a également rectifié les résultats propres de la filiale cessionnaire, en y réintégrant cette même libéralité, en tant que revenu distribué. Par ailleurs, elle a infligé à la société tête de groupe l’amende prévue à l’article 1734 bis du CGI.

L’amende peut être appliquée nonobstant l’incidence sur les résultats individuels ou sur le résultat d’ensemble.

L’obligation, prévue à l’article 223 B, 6e alinéa du CGI (aujourd’hui codifiée à l’article 223 Q du CGI), obligent la société mère à joindre à la déclaration du résultat d’ensemble de chaque exercice un état des abandons de créances ou subventions consentis entre sociétés du groupe. Le Conseil d’Etat rappelle que l’obligation de souscrire un état des abandons de créances ou subventions consentis entre sociétés du groupe a pour objet de permettre à l’administration fiscale de suivre les mouvements financiers à l’intérieur du groupe, d’une part, pour être à même de contrôler la manière dont elles sont comptabilisées dans les résultats individuels des sociétés et les retraitements qui leur sont appliqués pour la détermination du résultat d’ensemble et d’autre part, pour pouvoir contrôler les régularisations qu’il convient d’opérer en cas de sortie d’une société du groupe fiscalement intégré. Ainsi l’argument tiré de l’existence ou de l’absence d’incidence de ces mouvements sur le résultat individuel des sociétés ou sur le résultat d’ensemble du groupe est inopérant. L’administration n’est pas tenue de procéder à la correction des résultats propres des deux sociétés parties à la cession, établis selon les règles de droit commun, avant d’appliquer les retraitements impliqués par la détermination du résultat d’ensemble.

De même, l’amende reste due nonobstant le caractère irrégulier de la procédure ayant conduit à la rectification des résultats.

Le texte de l’article 1734 bis du CGI (aujourd’hui, article 1763 du CGI) prévoit expressément que le taux de l’amende, en principe de 5 %, est ramené à 1 % lorsque les sommes en cause sont réellement déductibles, ce qui laisse clairement supposer que tous les abandons de créance et subventions intragroupe, qu’ils soient ou non déductibles, doivent être portés sur l’état spécifique. Ainsi le défaut de déclaration justifiant l’amende ne dépend pas du bien-fondé ou de la régularité d’un éventuel rehaussement du résultat d’ensemble. L’amende ne peut être vue comme une conséquence du rehaussement du résultat d’ensemble et elle ne constitue pas l’accessoire de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés mise à la charge du groupe. Elle est autonome et s’applique dès qu’une subvention ou un abandon de créance intragroupe non-déclarée est constatée.

Ainsi, le seul argument que peuvent avancer les entreprises sanctionnées pour obtenir la décharge de l’amende prévue en cas de manquement à cette obligation déclarative, est de contester l’existence-même d’une subvention ou d’un abandon de créances.