La clause attributive de juridiction

Nous avions déjà évoqué dans une précédente revue les évolutions de la jurisprudence en matière d’application de la clause attributive de juridiction à un litige portant sur la rupture brutale de relation commerciale.

Comme rappelé précédemment, la Chambre commerciale, en opposition avec la Chambre civile de la Cour de cassation, avait tout d’abord refusé son application au motif que le litige avait un caractère délictuel et non pas contractuel.

Mais la jurisprudence avait évolué en reconnaissant dans les litiges à caractère international que la clause pouvait s’appliquer, quelle que soit la nature du litige, contractuelle ou délictuelle à partir du moment où la clause remplissait les critères de validité posés dans le Règlement UE 1215/2012 et qu’elle était suffisamment large pour s’appliquer aux faits de rupture brutale[1].

Par ailleurs, il avait également était décidé que peu importait que les lois de police françaises viennent s’appliquer au fond en lieu et place de la loi choisie par les parties, il convenait d’appliquer les règles de conflit de juridiction et partant la clause attributive de juridiction souscrite par les parties, si les règles de conflit de juridiction en désignait l’application[2].

Très récemment, la Cour de cassation a confirmé cette tendance à élargir l’application de la clause attributive de juridiction dans les litiges internationaux. Dans cet arrêt du 18 janvier 2017, la clause objet du litige soumettait le contrat à la loi anglaise et aux juridictions anglaises[3].

La Cour de cassation a considéré que le rapport de droit en cause ne se limitait pas aux obligations contractuelles et devait s’entendre des litiges découlant de la relation contractuelle et confirme donc que la clause attributive de compétence s’applique à la rupture brutale du contrat.

La Cour vient ainsi réaffirmer que le rapport de droit constitué par le contrat implique que la clause attributive de juridiction qui y est incluse s’applique au litige de nature délictuelle que constitue la rupture brutale de relations commerciales, même si la clause, dans sa formulation, ne vise pas spécifiquement ce contentieux particulier.

Les critères d’appréciation du préavis

Si la dépendance économique n’est pas une condition de l’application de l’article L. 442-6-5.1, il n’en reste pas moins qu’elle va être prise en compte par les juges pour apprécier la durée de préavis appropriée. Dans un arrêt du 4 octobre 2016, la Cour d’appel de Paris a mis au centre de l’appréciation la dépendance économique. Dans cette affaire, il faut le préciser, Saint-Gobain avait rompu sa relation avec son client, la société Meyrieux alors que le marché du verre de bouteille était en situation de Duopole, Owen Illinois étant le seul concurrent de Saint-Gobain. La Cour précise ainsi que la Cour d’appel relève que l’état de dépendance de la société Meyrieux résultait non pas de sa volonté mais de la structure du marché de verre de bouteille caractérisé par un duopole[4].

C’est la confirmation d’une analyse que la Cour de cassation avait déjà arrêtée, notamment dans un arrêt du 20 mai 2014 dans lequel elle avait décidé qu’ « il résulte de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que le préavis suffisant s’apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances, notamment de l’état de dépendance économique »[5]. Mais attention, cet état de dépendance, pour être pris en compte, ne doit pas être le fait de la victime de la rupture, qui n’aurait pas su se diversifier.

Le préjudice : l’absence de prise en compte de l’attitude de la victime de la rupture

Dans ce même arrêt du 4 octobre 2016, il est également intéressant de constater que la Cour d’appel a écarté l’argument de Saint-Gobain, selon lequel le partenaire évincé n’avait pas pris les mesures nécessaires pour minimiser son préjudice en se réorganisant pendant la durée du préavis. La Cour d’appel de Paris écarte l’argument en soulignant que « en cas d’insuffisance du préavis, le préjudice en résultant est évalué en fonction de la durée de celui-ci jugée nécessaire, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de circonstances postérieures à la rupture »[6].

Cet arrêt confirme la jurisprudence antérieure qui avait déjà considéré que le fait que la victime de la rupture ait pu se réorganiser et trouver un nouveau client pour remplacer l’auteur de la rupture n’avait pas à être pris en considération pour apprécier la durée du préavis[7].

 


[1] Cass. com. 20 mars 2012, pourvoi n° 11-11.570
[2]2 Cass. com. 24 novembre 2015, pourvoi n° 14-14.924
[3] Cass. com. 18 janvier 2017, pourvoi n° pourvoi n° 15-26105
[4] CA Paris, 13 mai 2016, Contrats-concurrence-consommation- juillet 2016 – p.31
[5] Cass. com. 20 mai 2014, pourvoi n°13-16398
[6] CA Paris, 13 mai 2016, Contrats-concurrence-consommation- juillet 2016 – p.31
[7] Cass. com. 9 octobre 2012, pourvoi n°11-23549