La loi de modernisation du système de santé est désormais inscrite dans le Code de la santé publique dans son titre IV, aux articles L.1143-1 à L.1143-22.

Les dispositions relatives à cette nouvelle action de groupe entreront en vigueur à compter de la date prévue dans les décrets d’application ou au plus tard le 1er juillet 2016.

Il est important de souligner que cette loi a adopté le mécanisme de l’opt-in : les victimes doivent manifester leur assentiment pour participer au groupe préalablement défini. Ce mécanisme se justifie par la nécessité de respecter le droit des usagers du système de santé de mettre en œuvre une action individuelle

I. Les aspects principaux de l’action de groupe « santé »

Qui peut mettre en œuvre l’action de groupe « santé » ?

Uniquement les associations d’usagers du système de santé définies à l’article L.1114-1 du code de santé publique, agréées au niveau régional ou national. Il existe des centaines de ce type d’associations en France.

Il importe de souligner que cette loi mentionne expressément que l’association qui introduit une action de groupe « santé » est en droit de recevoir une provision ad litem (avance en vue des frais de procès), ce qui va incontestablement encourager les associations à utiliser ce nouvel outil procédural.

Plusieurs associations d’usagers du système de santé pourront décider d’enclencher des actions en responsabilité parallèles contre le même professionnel pour le même préjudice allégué. Ainsi, seul l’argument de connexité existant déjà dans notre arsenal judiciaire pourra être invoqué pour demander la jonction des actions de groupe parallèles.

Toutefois, une fois le jugement rendu pour une action de groupe portée devant les tribunaux français, toute action de groupe ultérieure qui aurait pour fondement les mêmes faits, les mêmes manquements et pour objet la compensation des mêmes préjudices, sera irrecevable. Il en sera de même en présence d’un protocole transactionnel global homologué.

NB : Il est important de noter que les organismes de Sécurité sociale (principalement la CPAM) seront appelés à intervenir dans la procédure, après la première phase, afin d’exercer leur droit de recours subrogatoire contre le tiers responsable. Sur quels fondements ?

Le but de cette action de groupe est de permettre l’indemnisation des préjudices corporels (article L.1143-1 du code de santé publique) :

– subis par les usagers du système de santé placés dans une situation « identique ou similaire », une notion sujette à interprétation

– pouvant résulter du même manquement aux obligations extra-contractuelles ou contractuelles
commises par le même producteur, fournisseur ou professionnel de santé.

Ces dispositions sont d’application immédiate y compris pour les réclamations résultant de manquements intervenus avant l’entrée en vigueur de la loi.

Le fondement de la recherche de la responsabilité peut être un fondement délictuel ou contractuel ou la responsabilité du fait des produits défectueux.

NB : Le(s) défendeur(s) continue(nt) d’être en droit de contester chacune des conditions requises pour établir la responsabilité – comme dans les procédures traditionnelles. Contre qui ?

Un producteur ou un fournisseur de produits de santé tel que défini à l’article L.5311-1 du code de santé publique, ou un prestataire utilisateur d’un de ces produits de santé ;

Les assureurs de responsabilité civile des parties mises en cause au titre de l’action directe telle que définie à l’article L.124-3 du code des assurances :

– Plusieurs défendeurs pourront être assignés en même temps et dans le cadre d’une même procédure d’action de groupe ;

– Les appels en garantie restent toujours possibles et peuvent être engagés au cours de la procédure d’action de groupe via une intervention forcée. Rien dans la loi n’interdit l’usage de cet outil procédural classique en matière de procédure civile / commerciale.

Quels sont les produits concernés ?

La liste est bien plus large que les médicaments et les dispositifs médicaux.

Autres types de produits concernés :

– Vaccins
– Cosmétiques
– Contraception
– Lentilles
– Sang et produits organiques humains
– Appareils de tatouage
– Appareils de diagnostic
– Prélèvements de lait maternel

II. La procédure d’action de groupe

1. L’étape du jugement
1.1 La première étape concernant le jugement sur la responsabilité et la mise en place d’un système d’indemnisation judiciaire global

Dans un même jugement, le tribunal juge :

– la recevabilité de l’action de groupe, ce qui implique pour le tribunal de confirmer si oui ou non toutes les conditions requises par l’article L.1143-1 du code de santé publique sont réunies

– l’établissement du principe de responsabilité du ou des défendeurs au regard des cas individuels présentés par l’association ;

– l’étendue du groupe d’usagers du système de santé à l’égard duquel le professionnel est responsable ainsi que
les critères pour être inclus dans le groupe ;

– les types de préjudices à indemniser pour les usagers constituant le groupe défini par le tribunal ;

– si besoin est, sur toutes les mesures d’expertises nécessaires et en particulier les expertises médicales ;

– les mesures requises pour informer, aux frais du professionnel mis en cause, toutes personnes en droit d’appartenir au groupe.

Il est important de noter que les mesures de publicité ne seront mises en place qu’une fois le jugement devenu irrévocable  c’est-à-dire lorsque tous les recours possibles, incluant le pourvoi en cassation, auront été épuisés.

Toujours dans la même décision, le juge établit :

– Les délais impartis et les conditions pour les usagers du système de santé pour adhérer au groupe en vue d’obtenir une indemnisation de leur préjudice ;

– Les délais impartis ne peuvent être inférieurs à six mois ni supérieurs à 5 ans après l’achèvement des mesures de publicité ordonnées par le tribunal

1.2 La seconde étape concerne l’exécution du jugement et les indemnisations individuelles

Le tiers responsable indemnise les préjudices subis par chacun des usagers ayant rejoint le groupe défini par le premier jugement de manière individuelle.

Le montant de l’indemnisation est décidé par les parties.

À supposer qu’aucun protocole transactionnel d’indemnisation n’ait été trouvé, le même tribunal est compétent pour tout litige en lien avec l’exécution du jugement. L’association pourra représenter les usagers ayant rejoint le groupe.

Tout montant perçu par l’association à titre d’indemnisation pour les usagers du système de santé est immédiatement transféré sur un compte séquestre à la Caisse des Dépôts et des Consignations.
  2. La procédure de médiation

Le tribunal peut également décider de la mise en œuvre d’une médiation avec le consentement des parties. Il s’agit d’une procédure de médiation différente de la procédure de médiation déjà prévue par le code de procédure civile.

Le médiateur est choisi parmi les membres d’une liste préalablement établie par le Ministre de la Santé et non par le Ministre de la Justice. Il peut être assisté par une commission de médiation.

Le médiateur et la commission de médiation sont soumis au secret professionnel en ce qui concerne tout document ou information communiqués et toutes discussions tenues dans le cadre de la médiation.

Le médiateur a pour rôle de  proposer aux parties un accord transactionnel global portant sur les conditions applicables à l’indemnisation amiable des préjudices, sur les mesures de publicité à faire sur l’existence dudit protocole, sur les délais impartis pour bénéficier de l’indemnisation prévue.

NB : Il est important de préciser que le protocole ne détermine pas nécessairement la responsabilité des défendeurs, ce qui permettra la mise en œuvre de protocole transactionnel global sans reconnaissance de responsabilité.

Le protocole transactionnel global doit être accepté par l’association et par au moins un des défendeurs.

Le protocole transactionnel global est ensuite soumis au tribunal pour homologation, ce qui le rendra exécutable inter partes, c’est-à-dire opposable uniquement à l’égard des parties prenantes signataires au protocole transactionnel global.

Le processus de médiation peut durer six mois maximum.
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L’introduction d’une action de groupe suspend le délai de prescription pour toute réclamation individuelle d’indemnisation pour préjudices corporels qui résulteraient du même manquement que celui constaté par le jugement ou des faits retenus dans le protocole transactionnel homologué. Le délai de prescription recommencera à courir quand ledit jugement sera irrévocable ou à compter de la date de l’homologation du protocole transactionnel global et ce, pour une période d’au minimum 6 mois.

L’action de groupe n’interdit pas les actions individuelles qui impliqueraient d’autres dommages/préjudices que ceux visés par la procédure d’action de groupe.

Les décrets d’application devraient permettre de définir les modalités pratiques de l’action et détailler plus précisément l’entier mécanisme dont l’entrée en vigueur est prévue au plus tard le 1er juillet 2016.
  Contact : valerie.ravit@squirepb.com
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